
La politique est-elle en passe de devenir l'apanage des avocats ? Toujours est-il que les «robes noires» sont omniprésents dans la sphère politique, notamment dans les instances de décision d’un grand nombre partis. Pourquoi cette forte immersion dans l'arène politique de personnes qui font partie du décor du temple de Thémis ? Mes Alioune Badara Cissé, El Hadji Diouf et Baba Diop tiennent à apporter une explication à ce phénomène. Le sociologue politique Ibrahima Sané y va également de ses explications.
Les avocats s’incrustent au cœur de la politique sénégalaise. Ces redoutables plaideurs, capables de magnétiser par le verbe leur auditoire trouvent dans la politique où l’art de la promesse et de la belle parole font recettes, un terreau fertile. Dans toutes les sphères de l’Etat ou des formations politiques, les «Maîtres» se retrouvent aux commandes.
Au niveau de l’Etat, le président est quasiment entouré de ses pairs. Son Premier ministre et Directeur de cabinet (Me Souleymane Ndéné Ndiaye), ses ministres des Affaires étrangères (Me Madické Niang), de l’Intérieur (Me Ousmane Ngom). Le porte-parole de son directoire de campagne et ancien ministre de la Justice, Amadou Sall côtoie au sein du Pds d’autres avocats qui jouent de grands rôles, l’un dans des mouvements de soutien (Me Ousmane Sèye, par ailleurs avocat de l’Etat), l’autre à l’Assemblée nationale (Me Abdoulaye Babou).
Dans les autres formations politiques également, les robes noires sont aux avant-postes. C’est le cas au Parti socialiste, plus grand parti de l’opposition, anciennement au pouvoir pendant 40 ans. Le maire de Podor et porte-parole du parti, Me Aïssata Tall Sall (ancien ministre de la Justice sous Abdou Diouf) y joue les grands rôles aux côtés du maire de Diourbel, Me Jacques Bodin (également ancien ministre de la Justice avant l’alternance). D'autres confrères squattent également les mêmes instances de décision, entre autres, Mes Moustapha Mbaye, Birahim Sassoum Sy (maire de Médina), Moussa Bocar Thiam, coordonnateur du réseau des Avocats socialistes composé de 39 jeunes Avocats installés récemment. Dans les autres partis politiques également, des inscrits au barreau plaident dans les instances dirigeantes comme Me Alioune Badara Cissé de l’Apr de Macky Sall. Autrement, les robes noires sont à la tête de partis politiques à l’image de Me El Hadji Diouf du Ptp (candidat à la présidentielle), ou de mouvements à l’instar de Me Moussa Diop Président d’Alternative Générationnelle Jotna (en course pour la présidentielle), Me Baba Diop, coordonnateur du mouvement «Merci» ou Me Doudou Ndoye, de l'Alliance «Jammo».
Trois avocats plaident leur cause
Qu'est-ce qui pousse les avocats à intégrer, ainsi en masse, l'arène politique? Pourquoi occupent-ils le devant de la scène politique ? «Il n'y a pas meilleur porte-parole des sans voix que l'avocat pour son franc-parler, sa capacité à convaincre, de se mettre au service de la liberté et du droit», plaide Me Alioune Badara Cissé, responsable politique à l'Alliance pour la République (Apr) dirigée par Macky Sall. D’ailleurs, souligne-t-il, l'implication des avocats dans la sphère politique n'est pas nouveau.
Me Alioune Badara Cissé : «Il n'y a pas meilleur porte-parole des sans voix que l'Avocat»
«D'abord ce n'est pas un phénomène nouveau et ce n'est pas un phénomène exclusivement Sénégalais. Tous les présidents d'Amérique, les trois quarts au moins sont des avocats de formation. C'est le cas en France et dans beaucoup de pays africains. Vous avez Nelson Mandela. Au Sénégal, aux premières années des indépendances, Me Valdiodio Ndiaye était un avocat. De même que Mes Lamine Guèye, Boubacar Guèye, premier garde des Sceaux, Moustapha Seck, Abdourahmane Diop, Babacar Niang. Ensuite, il y a des générations beaucoup plus jeunes, Mes Doudou Ndoye, Mamadou Lo, Sourang, et de très jeunes générations que nous commençons à constituer» déclare-t-il.
Me El Hadji Diouf : «L'avocat est par définition un défenseur de son peuple»
Ce que semble confirmer Me El Hadji Diouf, leader du Parti des Travailleurs et du peuple (Ptp) quand il dit : «La politique est le terrain de prédilection des avocats. L'avocat est par définition un défenseur de son peuple. Il est le mieux indiqué pour porter la robe devant tout un peuple et diriger un peuple. Il connaît les droits de l'Homme et c'est un défenseur des droits de l'Homme. Et quand on défend les droits de l'Homme dans une société, c'est ce qui vous pousse à être le premier dirigeant des dirigeants». Par conséquent, indique Me Diouf : «Ce n'est pas surprenant partout dans le monde que les avocats soient à l'avant du combat pour la libération de l'homme, pour l'émancipation des peuples. C'est pourquoi les avocats sont la profession définie pour, en fait, diriger les populations. C'est la profession la plus démocratique au monde. On ne les dompte pas, on ne les impressionne pas, on ne les manipule pas. Un bon avocat, c'est d'abord un homme libre, indépendant, digne qui se bat pour l'honneur et la dignité humaine».
Me Baba Diop : «toutes les révolutions ont été commencées par les Avocats»
Ce n'est pas pour rien, soutient le député, que Nelson Mandela, Barack Obama, Hillary Clinton, Me Abdoulaye Wade, Me Babacar Niang , Me Ousmane Ngom, Me Madické Niang sont des avocats.
Me Baba Diop, leader du mouvement citoyen «Merci», présent dans l'arène politique depuis 2004, pour sa part, est d'avis que « toutes les révolutions ont été commencées par les Avocats». Avant de poursuivre: «Aujourd'hui il se pose des questions juridiques, des contentieux en perspective et qui dit contentieux, c'est l'apanage des avocats. Ce qui peut expliquer peut-être qu'aujourd'hui les avocats sont au-devant de la scène. La nouveauté, c'est qu'il y a véritablement des contentieux en perspective, des débats juridiques. Et les avocats, en tant que défenseurs, sont les personnes les plus indiquées pour agir».
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