
Le «Dakar by night» regorge d’endroits chauds et secrets comme celui situé aux Almadies, derrière un grand casino de la place. Ce lieu organise, chaque premier samedi du mois, une soirée aux allures de bal populaire, mais qui cache des choses insoupçonnées. Entre alcool, sexe et chanvre indien, Blancs et Noirs, adultes et minettes, s’y pourchassent. A «Koulgraoul» (relaxe, ce n’est pas grave), on est dans une sorte de temple du «Tout est permis».
Les lieux de jouissance collective sont disséminés un peu partout dans Dakar. Celui que nous découvrons est la soirée «Koulgraoul» (relaxe, ce n’est pas grave), qui se tient tous les premiers samedis de chaque mois. Elle a sa propre clientèle : touristes, ressortissants des pays occidentaux vivant à Dakar et Sénégalais bien sûr. C’est une plage qui offre son cadre pour cette soirée. Dès 23 heures, un nombre impressionnant de voitures et de «scooters» prennent d’assaut les lieux. Un imposant dispositif de sécurité accueille les danseurs qui ne sont pas fouillés, mais doivent se faire inviter par un des organisateurs ou payer 3 000 francs Cfa. Assis en tailleur sur une chaise, devant une table, un homme au front dégarni, la cinquantaine révolue, avec de grosses lunettes, encaisse l’argent et délivre les sésames. Une bonne centaine de mètres sépare ce qui sert de guichet à la piste de danse. Deux grandes banderoles s’érigent comme des voiles sur un bateau, sur un fond de graffiti avec la mention : «Koulgraoul». Sur la piste, les tubes s’enchaînent. Et c’est parti pour une soirée de folie. Ce bal «Koulgraoul» est très comparable à celui dit des îles, mais rien à voir avec un «beach party» puisque la sécurité arrête ceux qui tentent d’aller vers la plage. L’autre particularité est qu’ici, il y a plus de «Toubabs» que de gens de couleurs, ce qui explique la forte présence des guides touristiques, des «gigolos» et autres. Ils sont là en quête de proie d’une nuit chaude, au même titre que ces filles de joie qui espèrent trouver des clients blancs, réputés être bons payeurs.
Cigarettes, alcool, drogue, sexe… tout y passe
Au bar, à l’image d’un comptoir d’épicerie, boissons alcoolisées, sodas ainsi que cigarettes sont proposées. Un menu plaqué sur la table renseigne de la présence de sandwichs et grillades à la demande et il faut débourser entre 1000 et 3000 francs Cfa pour avoir quelque chose à se mettre sous la dent. Non loin de là, un groupe d’adolescents, dont la limite d’âge ne doit guère dépasser les quinze ans, se trémousse devant des femmes d’âges mûrs. Presque chacun a sa bouteille de bière à la main, mais ils ne semblent pas intimider ces dames qui tirent à fond sur leurs cigarettes. Les «rastas» ne quittent pas les femmes blanches, ivres mortes pour la plupart. Elles se laissent embrasser et tripoter souvent par des «gigolos» bien musclés qui espèrent nouer ensuite des contacts. De l’autre côté de la piste, des Sénégalaises se distinguent par des tenues couvrant à peine leur postérieur et leur poitrine. Pour la plupart, elles ont moins de seize ans, cigarette entre l’index et le majeur et une bouteille de bière dans l’autre main. Elles n’ont d’yeux que pour les Blancs et n’hésitent pas à danser devant eux pour attirer leur attention.
Le nombre de gros bras préposés à la sécurité avec des tee-shirts noirs, frappés par l'écriture «Sécurité», fait presque flippant. En ce premier samedi du mois d’octobre, donc de la rentrée, il y en avait environ un pour chaque groupuscule de danseurs. Tout ce qu’ils ne veulent pas voir, ce sont des empoignades, sinon tout le reste est permis. L’alcool coule à flot, le tabac empeste et on passe même sous silence la consommation du chanvre. Même si on ne boit ni ne fume, on est enivré en sortant de là. De jeunes sénégalais s’écartent de la piste par moments pour fumer du chanvre. Dans l’obscurité, ils sortent l’herbe qu’ils étendent sur du papier à tabac avant de s’envoyer au «nirvana». Les couples mixtes qui ont déjà pu se former trouvent alors refuge sur une petite muraille jouxtant le pré de la plage privée. D’aucuns s’embrassent tendrement, d’autres se délectent jusqu’à la lie avec une bouteille de bière bien fraîche.
A L’ORIGNE UNE MANIFESTATION CONTRE JEAN MARIE LE PEN : Des débuts contre le racisme aux finalités douteuses
La soirée «Koulgraoul» (relaxe, ce n’est pas grave), se déroulait au début à l’Océanium de Dakar, fief de l’actuel ministre de l’Ecologie et de la Protection de la nature, Haïdar El Ali. Selon certains adeptes de ce rendez-vous mensuel, c’est ce dernier qui l’aurait initié suite à une manifestation contre l’arrivée de Jean-Marie Le Pen à Dakar. D’après une dame habituée à ce rendez-vous, «en 2002, il y avait une manifestation des Français de Dakar pour protester contre l’arrivée de Jean-Marie Le Pen au 2eme tour des élections. Ensuite, tout le monde est allé à l’Océanium où beaucoup de Français travaillaient et qui avaient décidé de faire une fête ce soir-là. Ce qui constituait la première « Koulgraoul». A en croire cette habituée de ces soirées, c’est par la suite qu’ils avaient eu l’idée de faire une fête tous les mois contre «le racisme, contre Jean Marie Le Pen. C’est ce que Haidar à l’origine avait raconté», précise-t-elle. Sauf que, dit-elle, d’autres versions, faisant état d’un objectif plutôt lucratif, ont été avancées par certains. «J’ai entendu d’autres versions. Il y en a qui disent que c’était pour faire de l’argent, parce que ça a rapporté effectivement beaucoup d’argent à l’Océanium au niveau des entrées. Je sais aussi qu’il y a une association belge qui maintenant organise cette soirée et qui l’organisait déjà quand c’était à l’Océanium. C’est eux qui prenaient le prix des entrées tandis que l’Océanium prenait juste les recettes du bar, donc les consommations», renseigne la jeune dame.
Une soirée, mille secrets !
Une fois par mois, la soirée «koulgraoul» est vécue bien à fond, surtout par une bonne partie des étrangers, Français en particulier, vivant à Dakar. Sous le couvert de l’anonymat, cette dame (une française de nationalité) habituée des lieux confie : «C’est l’ambiance qui correspond le plus à la façon de faire la fête des toubabs en France. Déjà, c’est en plein air et il y a moins de gens qui se regardent. Donc, c’est très agréable d’être sous la lune et les étoiles, c’est moins prétentieux. On peut se relâcher, c’est plus rigolo». Depuis bientôt une décennie, la soirée «Koulgraoul» (relax, ce n’est pas grave) fait son bonhomme de chemin comme le confirme ce jeune homme qui a aussi requis l’anonymat. «Quand cette soirée se déroulait à l’Océanium, elle était pratiquement le lieu de convergence des Blancs et des jeunes sénégalais qui ont des copines toubabs. Les pickpockets s’y rendaient également pour commettre leur forfait. L’alcool, le tabac, le chanvre indien y sont autorisés comme dans un fumoir», affirme-t-il. La «Koulgraoul» est une occasion en or pour les nationaux qui ne rêvent que d’une relation avec des `Blancs de s’inviter pour une nuit torride et bien arrosée. Quand la présence des mineurs s’y mêle, il ne suffit plus que d’une bouffée de chanvre indien pour que le cocktail devienne incontrôlable. Dans ces soirées, personne ne fait attention à personne. N’est-ce pas là d’ailleurs l’esprit «Koulgraoul» ?
Par Mbaye THIAM & Aminatou AHNE (Stagiaires)
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