
L’universitaire Amadou Kah, auteur de «Désir de République», commente, dans l’entretien qu’il nous a accordé, hier, la composition du premier gouvernement du président élu, Macky Sall. A en croire M. Kah, «c’est une sorte de gouvernement d’équilibre de la terreur». Entre autres observations, l’analyste politique estime que «Wade doit avoir le courage d’une autre vie et libérer l’espace public».
Quel commentaire faites-vous sur la composition du premier gouvernement du président Macky Sall ?
Du point de vue du principe, j’ai juste une grosse inquiétude, c’est-à-dire que la composition du gouvernement peut être regardée comme le résultat de la perversion de nos moeurs politiques. C’est la première considération, parce que j’ai le sentiment que c’est une sorte de persistance de notre culture de partage du gâteau. Il est vrai que c’est une Coalition de partis ou un grand rassemblement qui a amené Macky Sall aux responsabilités. Même si l’homme paraît sincère dans ce qu’il fait, il me semble être un tout petit peu prisonnier de cette alliance qui a conditionné sa marge de manoeuvre. Autrement dit, la composition du gouvernement ne s’est pas effectuée in vitro, c’est-à-dire que ce n’est pas dans le secret de son cabinet qu’il l’a fait. En partie, la formation du gouvernement a été tributaire de ces moeurs sénégalaises un peu perverties. Et on en a, aujourd’hui, la preuve, parce que les partis sont en train de s’entredéchirer. Et je pense que votre livraison de ce matin (ndlr : édition d’hier), a sorti un certain nombre d’éléments sur les difficultés que rencontrent l’Afp et le Ps. Parce que, justement, des hommes d’État, on en cherche, alors que des hommes de pouvoir, on en trouve. Ce qui intéresse plus les gens, c’est d’arriver aux responsabilités ou à la limite ceux qui leur sont proches. Cela me rappelle ce qui s’est passé au lendemain des élections de 2000. Abdoulaye Wade était dans l’obligation de faire figurer dans son gouvernement tous les partis qui l’ont aidé à être élu. Et on a vu le résultat. D’ailleurs, Abdoulaye Wade doit avoir le courage d’une autre vie et libérer l’espace public.
Et la deuxième considération sur cet attelage ?
La deuxième observation est que je ne vois pas de rapport immédiat entre la communication, les télécommunications et les nouvelles techniques de l’information et de la communication. Il n’y a aucun rapport, parce que, quand on parle de ministère de la Communication, il doit être là pour rendre visible la politique du gouvernement. Le ministère de la Communication paraît être un non-sens dans un contexte de pluralisme. C’est comme exactement le ministère des Élections. Le ministre de l’Intérieur peut bien organiser des élections et les réussir. La preuve a été rapportée récemment. Donc, du point de vue interne, on ne peut pas coupler communication, télécommunications et Ntic. Ça ne me semble pas lié.
Est-ce à dire que le gouvernement d’Abdoul Mbaye est un gouvernement de partage du gâteau ?
Je ne dirais pas que c’est un gouvernement de récompense, mais ça en a l’air, à partir du moment où les gens sont en train de s’entre-déchirer. Si les informations relatées par votre journal se confirment, cela prouve que les gens ne mettent pas en avant l‘intérêt général. En partie, ce gouvernement est tributaire de la culture que nous avons du pouvoir. Le pouvoir pour nous est une fin en soi, alors que la vocation du pouvoir est de servir. Et je pense que dans le prolongement du discours du président de la République, ça me paraît un peu compliqué de ne pas parler à la limite d’un décalage entre le discours et la réalité. Même s’il y a une marge de manoeuvre très étroite.
À votre avis, Macky Sall a-t-il choisi les hommes qu’il faut à la place qu’il faut ?
Dire, à priori, que telle personne n’a pas le profil, ça, franchement, ce sont des histoires. On parle souvent de Youssou Ndour. Mais, moi, je dis qu’il n’y a pas de vocation à être ministre. Youssou Ndour peut bel et bien exercer des responsabilités et les réussir. Pour moi, le meilleur profil, c’est d’abord celui qui aime son pays, qui a envie de rendre service à son pays. C’est moins une question de trajectoire ou de diplômes etc. Je n’ai pas de problèmes par rapport aux hommes et femmes qui ont été choisis, même si j’ai des réserves par rapport à certaines personnes qui ont connu une expérience du pouvoir et qui n’ont pas été forcément bon. Je pense qu’il était possible d’arriver à des choix plus cohérents. D’ailleurs, ça nous ramène à dire que les hommes politiques sénégalais sont mus par des questions d’intérêt général.
Quelle espérance de vie donnez-vous à ce nouveau gouvernement ?
Ça dépend. J’ai entendu des gens dire que c’est un gouvernement de transition, c’est-à-dire qu’il y aura une autre reconfiguration gouvernementale, au lendemain des élections législatives. C’est ce qui ressortira des urnes qui conditionnera la composition de l’appareil gouvernemental. Honnêtement, ça me semble un peu compliqué. Je ne veux pas jouer au devin, mais tout porte à croire que cette cohérence qu’on recherche pour pouvoir réussir une politique gouvernementale me paraît, à priori, condamnée, au regard des différentes sensibilités qu’on a essayées de coaliser. Tout le monde est au courant que ça ne marche pas entre Idrissa Seck et Macky Sall. Ce sont des contradictions qui vont bientôt resurgir. C’est une sorte de gouvernement d’équilibre de la terreur. On essaie de se tenir. Si les Sénégalais décident d’une majorité parlementaire différente de la majorité présidentielle, le président de la République a l’obligation d’en tirer les conséquences. Et lui-même l’a dit, à l’occasion de son entretien avec 2STv, le 31 décembre 2011. On n’a pas un bon texte constitutionnel. Au terme de l’actuelle Constitution, le président de la République définit la politique de la nation. À supposer qu’il y ait une discordance de majorité, est-ce qu’il paraît normal que le président de la République continue de définir la politique de la nation, alors que les Sénégalais ont décidé d’envoyer une autre majorité à l’Assemblée nationale ? Sinon, elle ne servira qu’à inaugurer les chrysanthèmes. Le texte constitutionnel sénégalais, je le dis et je le répète, il est mauvais. On ne peut pas s’en rendre compte, tant qu’il y a une concordance de majorité. Il faut qu’on en arrive à un texte plus équilibré.
Que vous inspire la décision de Macky Sall de ramener le mandat présidentiel de 7 à 5 ans?
Pour moi, c’est une excellente chose qu’il veut s’appliquer cette restriction. Franchement, c’est un acte salutaire, parce que je pense que c’est ce qui nous a créé des problèmes, le fait que le président Abdoulaye Wade n’ait pas voulu tirer les leçons d’un certain nombre d’engagements qu’il avait pris. Donc, c’est extrêmement important, et puis, d’ailleurs, qu’on en arrive à verrouiller encore la Constitution, c’est extrêmement important. On dit que la forme républicaine de l’État ne peut pas être révisée. Et le fait qu’on ait ces formes de gardefous est une excellente initiative. Mais, ma préoccupation, elle est le fait, peut-être, de multiplier les possibilités de choix des membres du Conseil constitutionnel. Le fait même que plusieurs personnes participent au mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel me paraît une excellente chose. Le débat sur la Constitution, je persiste et je signe, tout ça, ce sont des aspects très importants. Mais, pour moi, il faut revisiter le statut du Premier ministre. On ne peut être responsable devant le président de la République et l’Assemblée nationale, alors qu’on n’a pas la responsabilité de la définition de la politique de la nation. Il faut faire les choses dans les règles. Si le Premier ministre a le pouvoir de définition de la politique de la nation, il doit pouvoir répondre devant l’Assemblée nationale. Mais, à partir du moment où il n’a plus le pouvoir de définition de la politique de la nation, il n’a pas à répondre devant l’Assemblée nationale. C’est le président qui définit, c’est le président qui doit être responsable. Malheureusement, la responsabilité du président, elle se mesure à partir d’élections. Alors que le Premier ministre peut être destitué par une motion de censure. Donc, c’est un peu l’anachronisme de notre texte constitutionnel qui pose plus problème actuellement.
Comment analysez-vous la crise qui secoue le Parti socialiste ?
La chute du Parti socialiste doit être regardée comme un phénomène attendu. Ca ne doit étonner personne. La crise que le Parti socialiste est en train de connaître est une crise nécessaire pour qu’il puisse se repositionner sur l’échiquier politique. Les Tanor ont fait leur temps, il faut qu’ils comprennent qu’ils ont fait leur temps.
Du point de vue du principe, j’ai juste une grosse inquiétude, c’est-à-dire que la composition du gouvernement peut être regardée comme le résultat de la perversion de nos moeurs politiques. C’est la première considération, parce que j’ai le sentiment que c’est une sorte de persistance de notre culture de partage du gâteau. Il est vrai que c’est une Coalition de partis ou un grand rassemblement qui a amené Macky Sall aux responsabilités. Même si l’homme paraît sincère dans ce qu’il fait, il me semble être un tout petit peu prisonnier de cette alliance qui a conditionné sa marge de manoeuvre. Autrement dit, la composition du gouvernement ne s’est pas effectuée in vitro, c’est-à-dire que ce n’est pas dans le secret de son cabinet qu’il l’a fait. En partie, la formation du gouvernement a été tributaire de ces moeurs sénégalaises un peu perverties. Et on en a, aujourd’hui, la preuve, parce que les partis sont en train de s’entredéchirer. Et je pense que votre livraison de ce matin (ndlr : édition d’hier), a sorti un certain nombre d’éléments sur les difficultés que rencontrent l’Afp et le Ps. Parce que, justement, des hommes d’État, on en cherche, alors que des hommes de pouvoir, on en trouve. Ce qui intéresse plus les gens, c’est d’arriver aux responsabilités ou à la limite ceux qui leur sont proches. Cela me rappelle ce qui s’est passé au lendemain des élections de 2000. Abdoulaye Wade était dans l’obligation de faire figurer dans son gouvernement tous les partis qui l’ont aidé à être élu. Et on a vu le résultat. D’ailleurs, Abdoulaye Wade doit avoir le courage d’une autre vie et libérer l’espace public.
Et la deuxième considération sur cet attelage ?
La deuxième observation est que je ne vois pas de rapport immédiat entre la communication, les télécommunications et les nouvelles techniques de l’information et de la communication. Il n’y a aucun rapport, parce que, quand on parle de ministère de la Communication, il doit être là pour rendre visible la politique du gouvernement. Le ministère de la Communication paraît être un non-sens dans un contexte de pluralisme. C’est comme exactement le ministère des Élections. Le ministre de l’Intérieur peut bien organiser des élections et les réussir. La preuve a été rapportée récemment. Donc, du point de vue interne, on ne peut pas coupler communication, télécommunications et Ntic. Ça ne me semble pas lié.
Est-ce à dire que le gouvernement d’Abdoul Mbaye est un gouvernement de partage du gâteau ?
Je ne dirais pas que c’est un gouvernement de récompense, mais ça en a l’air, à partir du moment où les gens sont en train de s’entre-déchirer. Si les informations relatées par votre journal se confirment, cela prouve que les gens ne mettent pas en avant l‘intérêt général. En partie, ce gouvernement est tributaire de la culture que nous avons du pouvoir. Le pouvoir pour nous est une fin en soi, alors que la vocation du pouvoir est de servir. Et je pense que dans le prolongement du discours du président de la République, ça me paraît un peu compliqué de ne pas parler à la limite d’un décalage entre le discours et la réalité. Même s’il y a une marge de manoeuvre très étroite.
À votre avis, Macky Sall a-t-il choisi les hommes qu’il faut à la place qu’il faut ?
Dire, à priori, que telle personne n’a pas le profil, ça, franchement, ce sont des histoires. On parle souvent de Youssou Ndour. Mais, moi, je dis qu’il n’y a pas de vocation à être ministre. Youssou Ndour peut bel et bien exercer des responsabilités et les réussir. Pour moi, le meilleur profil, c’est d’abord celui qui aime son pays, qui a envie de rendre service à son pays. C’est moins une question de trajectoire ou de diplômes etc. Je n’ai pas de problèmes par rapport aux hommes et femmes qui ont été choisis, même si j’ai des réserves par rapport à certaines personnes qui ont connu une expérience du pouvoir et qui n’ont pas été forcément bon. Je pense qu’il était possible d’arriver à des choix plus cohérents. D’ailleurs, ça nous ramène à dire que les hommes politiques sénégalais sont mus par des questions d’intérêt général.
Quelle espérance de vie donnez-vous à ce nouveau gouvernement ?
Ça dépend. J’ai entendu des gens dire que c’est un gouvernement de transition, c’est-à-dire qu’il y aura une autre reconfiguration gouvernementale, au lendemain des élections législatives. C’est ce qui ressortira des urnes qui conditionnera la composition de l’appareil gouvernemental. Honnêtement, ça me semble un peu compliqué. Je ne veux pas jouer au devin, mais tout porte à croire que cette cohérence qu’on recherche pour pouvoir réussir une politique gouvernementale me paraît, à priori, condamnée, au regard des différentes sensibilités qu’on a essayées de coaliser. Tout le monde est au courant que ça ne marche pas entre Idrissa Seck et Macky Sall. Ce sont des contradictions qui vont bientôt resurgir. C’est une sorte de gouvernement d’équilibre de la terreur. On essaie de se tenir. Si les Sénégalais décident d’une majorité parlementaire différente de la majorité présidentielle, le président de la République a l’obligation d’en tirer les conséquences. Et lui-même l’a dit, à l’occasion de son entretien avec 2STv, le 31 décembre 2011. On n’a pas un bon texte constitutionnel. Au terme de l’actuelle Constitution, le président de la République définit la politique de la nation. À supposer qu’il y ait une discordance de majorité, est-ce qu’il paraît normal que le président de la République continue de définir la politique de la nation, alors que les Sénégalais ont décidé d’envoyer une autre majorité à l’Assemblée nationale ? Sinon, elle ne servira qu’à inaugurer les chrysanthèmes. Le texte constitutionnel sénégalais, je le dis et je le répète, il est mauvais. On ne peut pas s’en rendre compte, tant qu’il y a une concordance de majorité. Il faut qu’on en arrive à un texte plus équilibré.
Que vous inspire la décision de Macky Sall de ramener le mandat présidentiel de 7 à 5 ans?
Pour moi, c’est une excellente chose qu’il veut s’appliquer cette restriction. Franchement, c’est un acte salutaire, parce que je pense que c’est ce qui nous a créé des problèmes, le fait que le président Abdoulaye Wade n’ait pas voulu tirer les leçons d’un certain nombre d’engagements qu’il avait pris. Donc, c’est extrêmement important, et puis, d’ailleurs, qu’on en arrive à verrouiller encore la Constitution, c’est extrêmement important. On dit que la forme républicaine de l’État ne peut pas être révisée. Et le fait qu’on ait ces formes de gardefous est une excellente initiative. Mais, ma préoccupation, elle est le fait, peut-être, de multiplier les possibilités de choix des membres du Conseil constitutionnel. Le fait même que plusieurs personnes participent au mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel me paraît une excellente chose. Le débat sur la Constitution, je persiste et je signe, tout ça, ce sont des aspects très importants. Mais, pour moi, il faut revisiter le statut du Premier ministre. On ne peut être responsable devant le président de la République et l’Assemblée nationale, alors qu’on n’a pas la responsabilité de la définition de la politique de la nation. Il faut faire les choses dans les règles. Si le Premier ministre a le pouvoir de définition de la politique de la nation, il doit pouvoir répondre devant l’Assemblée nationale. Mais, à partir du moment où il n’a plus le pouvoir de définition de la politique de la nation, il n’a pas à répondre devant l’Assemblée nationale. C’est le président qui définit, c’est le président qui doit être responsable. Malheureusement, la responsabilité du président, elle se mesure à partir d’élections. Alors que le Premier ministre peut être destitué par une motion de censure. Donc, c’est un peu l’anachronisme de notre texte constitutionnel qui pose plus problème actuellement.
Comment analysez-vous la crise qui secoue le Parti socialiste ?
La chute du Parti socialiste doit être regardée comme un phénomène attendu. Ca ne doit étonner personne. La crise que le Parti socialiste est en train de connaître est une crise nécessaire pour qu’il puisse se repositionner sur l’échiquier politique. Les Tanor ont fait leur temps, il faut qu’ils comprennent qu’ils ont fait leur temps.
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