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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

Au Sénégal, la démocratie 3.0

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Au Sénégal, la démocratie 3.0

Wade victime de ses proches et partisans

Après plusieurs mois d'incertitudes et de tensions, les Sénégalais ont fini par désigner leur président, le quatrième après Léopold Sedar Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade. Le "pape du Sopi", Abdoulaye Wade, arrivé au pouvoir en 2000, n'aura pas bénéficié d'un troisième mandat pour lequel il aura tenté le tout pour le tout.

 

Malgré une troisième candidature, dénoncée par l'opposition et une importante frange de la société, le président sortant aura été victime des agissements de ses proches et autres partisans qui, eux, étaient totalement rejetés par la majorité des Sénégalais. L'omniprésence de son fils, Karim Wade, dans la gestion des affaires de l'Etat a fortement pénalisé sa candidature. Son entêtement à le défendre lui a valu ce vote sanction des électeurs.

 

Le reste de son entourage, pris souvent en flagrant délit de malversations financières ou d'agressions physiques mais impuni, a aussi contribué à sa perte. A cela, il faut ajouter la forte demande sociale, la flambée des prix des denrées de première nécessité, le taux galopant du chômage et le train de vie élevé de l'Etat.

 

Le "N'diguël", la fin du mythe?

Le Sénégal est un pays où cohabitent 94% de musulmans, 5% de chrétiens et 1% d'animistes. Lors des périodes électorales, les politiques sollicitent les chefs religieux pour qu'ils donnent des consignes de vote en leur faveur, c'est que l'on appelle "le N'diguël". Les précédents présidents, Wade compris, en ont profité pour consolider leur pouvoir. Cette élection est la preuve que le nouveau citoyen sénégalais, notamment chez les jeunes, n'est plus sensible à ces recommandations souvent monnayés contre des avantages. La défaite de Wade, malgré le soutien de quelques leaders religieux, prouve que le n'diguël ne fonctionne plus. Les membres des confréries religieuses sont des citoyens non-influençables lorsqu'ils sont dans l'isoloir.

 

Le plébiscite de Macky

L'ancien premier ministre de Wade, Macky Sall est le véritable vainqueur de cette présidentielle. Après un parcours politique sous l'aile de Wade, Sall se retrouve désormais au sommet de l'Etat. Il a été élu avec 65,8% des voix: une victoire incontestable qui incita son adversaire à le féliciter avant même la proclamation officielle des résultats. Un vrai plébiscite pour celui qui se présentait pour la première fois à la magistrature suprême. Macky Sall a bénéficié du soutien de l'ensemble des 12 autres candidats, d'une jeunesse citoyenne et des partis politiques de l'opposition.

 

Son parcours politique a été fulgurant -ministre, député, premier ministre, président de l'assemblée nationale- avant de connaître une traversée du désert qui l'éloigna des arcanes du pouvoir. Alors qu'il était à la tête du parlement, il avait commis l'imprudence et l'impertinence, aux yeux de Wade, de convoquer Karim Wade au sujet de l'utilisation faite des fonds de l'Anoci (l'Agence nationale pour l'organisation de la conférence islamique). Il a donc créé son propre parti, l'Alliance pour la République (APR). Moins de cinq ans plus tard, il se retrouve quatrième président de la République du Sénégal.

 

Ce qui attend le Président Macky...

Le tout nouveau président devra faire face à de nombreuses urgences pour satisfaire un électorat de plus en plus exigeant et conscient de ses droits et devoirs. Les nombreux engagements pris durant la campagne, notamment l'essentiel des conclusions et recommandations des "assises nationales", devront se traduire en actes concrets comme la restauration des valeurs de la République, la réduction du train de vie de l'Etat, la bonne gouvernance, la fin de l'impunité, l'instauration d'un système éducatif performant, la réduction du coût de la vie (Dakar pouvant être aussi chère que Paris) et l'accès à la santé.

 

Autant de chantiers sur lesquels Sall devra donner un signal fort au risque de se retrouver très tôt désavoué par une base affective assez hétéroclite. La recomposition de la classe politique pour ramener un climat politique stable et apaisé ne sera pas de tout repos, Sall ayant été porté au pouvoir grâce à la coalition Unis pour le même espoir. Les premières frictions qui surgiront certainement dans la redistribution des responsabilités pourraient rendre le mandat de Sall aussi difficile que la fin de règne de Wade. La suite qui sera donnée à l'audit de la gestion de Wade présagera aussi de l'avenir politique de Sall.

 

La deuxième génération de l'élite politique sénégalaise est celle qui a porté Wade au pouvoir, la troisième génération est celle qui l'en a chassé avec le concours des média et des réseaux sociaux.

A l'instar du web 3.0 ou du journalisme 3.0, plus interactif, plus participatif et plus informatif, la nouvelle citoyenneté du Sénégal est à classer sous l'idée de la démocratie 3.0. Bien que la maturité politique reste séculaire, elle est aujourd'hui renforcée par l'apport des nouvelles technologies de l'information et de la communication.

 

Les nouveaux médias, à travers les réseaux sociaux, et la presse en ligne ont joué un rôle important dans la réalisation de cette 3e alternance démocratique. La symbolique du chiffre 3 s'est beaucoup invitée dans cette élection. Sall est le troisième président après le père de l'indépendance Léopold Sedar Senghor, qui empêchât le troisième mandat de Wade. Sall a été porté au pouvoir par un fort élan citoyen entretenu par 3 composantes: les mouvements de jeunes (Y'en a marre), les mouvements citoyens et les coalitions de partis. Il devra donc composer avec un nouveau type d'électeurs sénégalais. Un citoyen averti qui demandera des comptes quant à la gestion de la chose publique. Un militant qui n'est plus à la solde d'un marabout quelconque mais plutôt un demandeur sur ces droits, que la 3e génération ne compte pas laisser: droit à une alimentation saine, à un logement décent, à l'éducation, à la santé, au travail et à la technologie.

 

Des exigences à n'en pas douter qui installeront le Sénégal dans une "troisième République" celle des valeurs d'équité, de justice, de travail, de solidarité, d'exigence et de probité morale prônées par Macky Sall. Une nouvelle ère démocratique, sevrée de fraudes électorales, une démocratie participative de citoyens imbus des valeurs d'autonomie et de liberté, autrement dit celle de la démocratie 3.0.

 

Qui disait à tort que la démocratie n'était pas faite pour l'Afrique ? Elle semble en avance, elle est à l'ère 3.0.



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