Au Sénégal, les pauvres ne seront pas candidats

Après le projet de « ticket présidentiel » rejeté massivement par des protestations véhémentes du peuple, voici la caution. Son montant passe de 6 à 65 millions de fcfa au Sénégal. Belle idée pour décourager les candidatures fantoches, mais pas une bonne nouvelle pour la démocratie sénégalaise.

Les Sénégalais auront donc tout vu et entendu dans le cadre de la préparation du scrutin présidentiel du 26 février 2012. Après le projet de « ticket présidentiel » derrière lequel se cachait sournoisement une volonté du président sortant de positionner son fils Karim pour lui succéder, voici la saga de la caution présidentielle. Elle va encore faire couler de la salive et de l’encre au « pays de la Téranga » dans les heures à venir.

Le Sénégal toujours en train de nous étonner fortement

Après avoir bégayé en 2007 à la faveur de la présidentielle et des élections législatives, la démocratie au Sénégal vacille plus que jamais ! Elle tient surtout aux fines tactiques politiciennes d’un vieux du jeu politique en Afrique et dans le monde : Me Abdoulaye Wade. Visiblement, ce dernier ne compte pas du tout rebrousser chemin, dans son plan de continuer à gouverner « légalement » son pays après le scrutin présidentiel de l’année prochaine.

Pour ce faire, il faut, d’une part, prier pour que l’Opposition n’arrive jamais à s’entendre sur le nom d’un candidat unique. Une prière du camp présidentiel que les Opposants sont en train de faire exaucer, en émiettant leurs candidatures et surtout leurs egos. Un peu comme c’est de tradition en Afrique francophone. D’autre part, il faut éliminer légalement tout potentiel adversaire ! 65 millions de fcfa ; cette somme ne constitue pas certes de la mer à boire, quand on connaît le niveau de vie des Sénégalais. Mais cette revue à la hausse de la caution présidentielle demeure un habile moyen pour mettre hors jeu tout petit candidat dans la course au palais présidentiel. Surtout si les jeux s’avèrent serrés au premier tour et nécessitent un second round ! Abdoulaye Wade qui a lui-même bénéficié d’un report de voix en l’an 2000 pour l’emporter sur Abdou Diouf connaît mieux que quiconque l’importance d’une seule voix dans un scrutin présidentiel à deux tours.

Par ailleurs, en dehors des critiques virulentes que lancent ici et là les plus sérieux opposants au pouvoir de Dakar lorsque ce dernier affiche de graves inconduites, rien ne démontre à ce jour que le président Wade est vomi par son peuple. Peut-il en être autrement quand les Opposants sénégalais, jusqu’à présent, ne présentent pas des alternatives cohérentes contre la gouvernance Wade ? Leur projet de remettre à plat la gouvernance « wadienne » après leur éventuelle victoire en février 2012 et de repartir sur une nouvelle base en est une preuve. Cette approche de l’après-Wade est certes une innovation dans ce qui est devenu le marigot politique au Sénégal, mais elle n’offre aucune assurance de lisibilité politique incontestable ; même sur le court terme.

Le président octogénaire Wade est bien conscient de tous ces paramètres et sait aussi que la psychologie de ses compatriotes est de nature à vite pardonner ; quand le sorcier confesse ses fautes aux victimes. En professionnel de la politique, Me Wade peut alors attendre la veille de l’élection de février prochain pour solutionner “définitivement” les dossiers sur lesquels son pouvoir est le plus décrié : le délestage du courant électrique, les inondations urbaines ou encore la cherté de la vie. Et une partie du jeu électoral sera joué en sa faveur ; comme par enchantement.

Aux Opposants sénégalais de démontrer le contraire de notre conjecture.