
La traque des avoirs illicites détenus par des personnalités de
l’ancien régime va connaître des rebondissements ces prochains jours.
Cibles principales : les enfants de l’ancien Président Abdoulaye Wade.
Karim et Sindiély Wade seront attraits devant les juridictions
françaises par l’Etat du Sénégal qui se constitue partie civile. Parmi
les avocats défenseurs des intérêts sénégalais, William Bourdon de
l’association Sherpa et l’ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats
sénégalais Moussa Félix Sow.
Le Sénégal va porter plainte devant les juridictions françaises
contre Karim Wade et Sindiély Wade, dans le cadre de la traque de ses
biens. Ces enfants de l’ancien Président Abdoulaye Wade ont été
respectivement, entre autres, ministre d’Etat, ministre des
infrastructures, de la Coopération internationale, de l’Energie et
Déléguée générale adjointe au Festival mondial des arts nègres (Fesman)
tenu à Dakar en décembre 2010. De fortes présomptions de détournement
de biens publics sénégalais pèsent sur ces anciens conseillers spéciaux
du Président Wade qui n’ont jamais répondu de la gestion des différents
portefeuilles que leur père les avait confiés.
Ainsi, dans le souci
de rapatrier des biens mal acquis, dont sont soupçonnés ces anciens
dignitaires du régime libéral, l’Etat du Sénégal va se constituer partie
civile en France et commettre des avocats français et sénégalais en
France. Et dans cette mission de traque de ses biens, le Sénégal sera
assisté par l’organisation Sherpa qui dispose d’un comité d’experts et
d’un réseau d’avocats référents. Cette assistance juridique se fera
moyennant la couverture des frais nécessaires à cette mission par le
Sénégal. Les contrats sur ce tracking des biens sénégalais sont en
cours de finalisation. Déjà, apprend-on, les avocats William Bourdon
(Conseil de Transparency international) et l’ancien bâtonnier de
l’Ordre des avocats sénégalais Moussa Félix Sow sont membres du pool
d’avocats qui vont défendre les intérêts du Sénégal.
Depuis
l’installation du nouveau régime, le défilé des anciens responsables
avait commencé devant le procureur de la République ou la Section de
recherche de la Gendarmerie. Une brigade qui, à deux reprises, avait
entendu Karim Wade sur son patrimoine qu’il a estimé à 8 milliards
avant les années 2000, selon des informations publiées par le quotidien
L’AS. Quant à sa sœur Sindiély, elle a été indexée, en particulier,
dans la gestion jugée nébuleuse des milliards de francs Cfa du fonds
pour l’organisation du Fesman.
Informations judiciaires
Pour
toutes ces présomptions, l’Etat du Sénégal va saisir les juridictions
françaises et se constituer partie civile. Une Constitution de partie
civile qui va permettre par ricochet d’ouvrir des informations
judiciaires dans les pays signataires de la convention des Nations unies
contre la corruption. L’article 46 de cette Convention consacrée à
l’entraide judiciaire stipule que «les Etats parties s’accordent
mutuellement l’entraide judiciaire la plus large possible lors des
enquêtes, poursuites et procédures judiciaires concernant les
infractions visées» par ladite Convention. Aussi pour le recouvrement
des biens d’un Etat, «l’entraide judiciaire la plus large possible est
accordée, autant que les lois, traités, accords et arrangements
pertinents de l’Etat Partie requis le permettent, lors des enquêtes,
poursuites et procédures judiciaires concernant les infractions dont une
personne morale peut être tenue responsable dans l’Etat Partie
requérant, conformément à l’article 26» de la même Convention. Une
responsabilité qui peut être pénale, civile ou administrative, pour
laquelle cet article 26 précise que l’Etat Partie, doit veiller, «en
particulier, à ce que les personnes morales tenues responsables
conformément au présent article fassent l’objet de sanctions efficaces,
proportionnées et dissuasives de nature pénale ou non pénale, y compris
de sanctions pécuniaires».
Jurisprudence
La
plainte du Sénégal à Paris contre d’anciennes autorités soupçonnées de
détournement de deniers publics ou de possession de biens mal acquis, ne
sera pas une première sous le ciel de la bonne gouvernance. Encore
qu’elle met en cause des enfants de chef d’Etat. Il y a déjà la
jurisprudence du fils du président équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema.
Ce dernier fait l’objet d’un mandat d’arrêt international depuis
juillet 2012. Le fils Nguema nommé vice-président de la Guinée
équatoriale avait refusé de se présenter devant les juges chargés de
l’enquête sur des biens mal acquis, initiée en France contre des
dirigeants africains.
En plus de ce mandat d’arrêt, l’hôtel
particulier de M. Nguema à Paris a été saisi dans le cadre de cette
enquête, malgré les complaintes des autorités équato-guinéennes, selon
qui cet «immeuble est une représentation diplomatique».
Un autre
trait commun dans ce dossier met aussi en scène l’association Sherpa.
Une association créée en 2001 pour la protection et la défense des
populations victimes de crimes économiques.
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