L’Uemoa demande à l’Etat du Sénégal de mettre un terme aux exonérations qu’il a accordées aux deux cimenteries importatrices d’emballages en papier que sont la Sococim et les Ciments du Sahel. Elle considère que ces importations sont à l’origine de distorsions de concurrence au détriment des emballages fabriqués localement. Le Département du marché régional, du commerce, de la concurrence et de la coopération de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) n’a pas été clément avec l’Etat du Sénégal. Dans son rapport d’étape fait à Ouagadougou le 14 avril 2008 sur l’affaire ‘Rufsac’ dont nous détenons une copie, le responsable de cette structure de la Commission de l’Uemoa préconise des mesures qui prennent les allures d’une sanction contre le Sénégal. ‘La Commission doit exiger que l’Etat du Sénégal récupère tous les montants correspondant au prélèvement communautaire de solidarité et la redevance statistique qu’aucun texte ne permet d’exonérer, dans le cas présent. Elle doit inviter l’Etat du Sénégal à mettre fin à l’application des clauses des conventions minières qui servent de prétexte à l’octroi des exonérations, car celles-ci sont contraires aux normes communautaires et ne sauraient y déroger’, a souligné Amadou Dieng, chef du Département du marché régional, du commerce, de la concurrence et de la coopération de l’Uemoa, avant d’ajouter qu’’une évaluation contradictoire des droits éludés devrait s’opérait pour assurer un suivi correct de l’application des décisions que la Commission serait amenée à prendre’.
Ces mesures ne sont pas prises à la légèreté puisque, comme l’assure M. Dieng dans son rapport, dont les autorités sénégalaises ont eu copie, ‘les exonérations dont bénéficient les importations de sacs en papier Kraft ont été accordées en violation des textes communautaires’. Et il se fonde, pour l’avancer, sur l’Acte additionnel du 10 mai 1996 qui institue un régime tarifaire préférentiel transitoire des échanges au sein de l’Uemoa et son mode de financement. Se référant à la législation communautaire sur la concurrence, M. Dieng signale que ‘ces exonérations sont incompatibles avec le marché commun de l’Uemoa’. Et, partant du fait que la Commission a déjà rendu, dans le même secteur du ciment, une décision portant interdiction d’exonérer le clinker importé, le responsable du Département du marché régional, du commerce, de la concurrence et de la coopération ne pouvait que refuser ces exonérations sur le papier Kraft. ‘Il serait difficile (dans ces conditions : Ndlr) d’admettre des exonérations portant sur les importations de sacs en papier qui sont des produits finis’, a-t-il noté.
Par lettre en date du 12 juillet 2007, Yves Crémieux, directeur général de la société ‘Rufsac’, avait saisi la Commission de l’Uemoa, pour faire examiner le fonctionnement du marché des sacs de ciment en papier au Sénégal. Le responsable de cette entreprise, ayant son siège à Rufisque, s’était plaint de distorsions de concurrence dues aux exonérations dont bénéficient les importations de produits concurrents de ceux que son usine produit. Pour donner suite à sa requête, la Commission a adressé deux courriers respectivement au ministre de l’Economie et des Finances du Sénégal et au plaignant, en vue d’obtenir des informations pouvant être utiles à son enquête. Mais, d’après le chef du Département du marché régional, du commerce, de la concurrence et de la coopération de l’Uemoa, Amadou Dieng, aucun document venant du ministère de l’Economie et des Finances n’est parvenu à la Commission pour s’expliquer sur l’existence de telles distorsions.
Cependant, les échanges avec le plaignant au cours de la période du traitement du dossier ont permis d’obtenir des informations qui ont aidé à faire une analyse approfondie de la situation. De ces informations fournies par le plaignant, la Commission a dégagé quelques observations. ‘Il existe bel et bien une concurrence entre un produit local et des importations visant les mêmes utilisateurs. Les exonérations accordées aux deux cimenteries importatrices d’emballages en papier au Sénégal ne sont pas appliquées sur les mêmes droits. Et les emballages fabriqués localement subissent des distorsions de concurrence dues aux exonérations accordées aux importateurs’, a affirmé Amadou Dieng.
Pire, même entre les Ciments du Sahel et de la Sococim bénéficiaires de ces exonérations qui contreviennent à la loi, il existe des distorsions dans l’attribution de ces exonérations. D’après le rapport de M. Dieng, ‘à la lecture des deux conventions minières signées par l’Etat du Sénégal avec respectivement les Ciments du Sahel et la Sococim, on note que la première entreprise est exonérée de tous les droits à l’importation alors que la seconde doit payer le Pcs (1 %), la redevance statistique (1 %), le Pcc de la Cedeao (0,5 %) et le Cosec (0,20 %). Ceci fait ressortir deux anomalies : il y a distorsion de concurrence entre les deux entreprises du fait des avantages fiscaux accordés de manière discriminatoire par l’Etat du Sénégal, en violation des dispositions du Règlement 04/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 relatif aux aides d’Etat au sein de l’Uemoa ; l’exonération du Pcs et de la redevance statistique au bénéfice des Ciments du Sahel est illégale au regard des articles 17 et 18 de l’Acte additionnel 04/96/UEMOA du 10 mai 1996 instituant un régime tarifaire préférentiel transitoire des échanges en sein de l’Uemoa et son mode de financement, modifié, et de l’article 8 du Règlement 02/97/CM/UEMOA du 28 novembre 1997 portant adoption du Tarif extérieur commun de l’Uemoa’.
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