Panique au sommet de l'État : Wade et ses proches fortifient leurs remparts

Le 23 juin est derrière nous.Mais, la hantise de ses effets collatéraux continue de troubler la quiétude des dignitaires du régime libéral.Pour éviter d’être surpris par les débordements d’un mouvement d’humeur subit, les proches de Wade fortifient leurs remparts lorsqu’ils ne déménagent pas de leurs domiciles.La peur a changé de camp. 

Tôt ce lundi 4 juin, en me rendant à l’hôpital Fann pour soigner une grippe, un fait, pas du tout banal, attire mon attention.Vers le Point E, à l’intersection située à 100 mètres de la maison repeinte en jaune or des Wade, une Land Cruiser de l’escadron de la gendarmerie est quasiment parquée sur la chaussée.A son bord, des gendarmes, bérets bleus bien vissés sur la tête. Ils sont huit : trois dans la cabine et cinq autres derrière.A deux pas de là, trois autres gendarmes accoudés à un mur devisent nonchalamment.

Cinquante mètres plus loin, à l’encoignure d’une ruelle débouchant derrière la résidence privée du Chef de l’Etat, même décor.D’autres gendarmes, également à bord d’une Land Cruiser bleue, veillent au grain.A la porte d’entrée principale qui donne sur la route qui mène vers Fann, un impressionnant cordon de sécurité finit par susciter notre curiosité.A chaque coin, deux gendarmes, armes en bandoulière, scrutent l’horizon.Un riverain nous renseigne : ‘Ils sont là pour veiller à la sécurité de Karim Wade.’

Mais, le ministre Karim Wade est loin d’être la seule personnalité du régime libéral à avoir renforcé ses remparts.A Rufisque, le domicile de Me Mbaye Jacques Diop, membre du comité directeur du Pds, ressemble, lui aussi, à une place forte.Le policier qui, habituellement, était en faction devant la guérite, n’est plus seul.Un élément de Gmi, que l’on reconnaît par son béret rouge, a été déployé en renfort.Plus, trois mastodontes assis sur un banc en bois complètent le dispositif sécuritaire.

Depuis le mouvement de mécontentement du 23 juin dernier, craignant des attaques contre leurs domiciles, comme les ont connus Farba Senghor et la ministre Oumou Khairy Guèye Seck, des pontes du régime libéral ont, pratiquement tous, renforcé leur sécurité.A Sacré-cœur chez le député Iba Der Thiam, où l’entrée de la villa n’était pas gardée avant la manifestation contre le projet de loi instituant le ticket présidentiel, on a de même pris la mesure de la situation.Trois individus en civil y sont désormais postés.‘C’est la peur d’être attaqué qui justifie ce changement’, explique un retraité, voisin du vice-président de l’Assemblée nationale.

Si, bien des proches de Wade ont choisi de rester chez eux en renforçant leur sécurité, d’autres ont carrément déménagé ou, encore, se font discrets.C’est le cas du ministre de la Décentralisation, Aliou Sow.Devant son domicile, à Liberté 6, juste derrière la caserne de la gendarmerie, pas de mesure de sécurité particulière.Aucun policier en faction et, moins encore, quelque vigile. ‘Je ne crois pas que le ministre habite encore là, renseigne un jeune mécanicien. En tout cas, on ne le voit pas depuis plus d’une semaine’.

Chez la ministre de l’Elevage, un voisin, croisé au détour d’une ruelle, nous laisse entendre que celle-ci avait d’ailleurs reçu des menaces écrites d’un jeune du quartier avant les événements du 23.‘Depuis le pillage de sa maison, je ne l’ai pas encore aperçue dans les parages’, déclare notre interlocuteur. Oui, la peur a bien changé de camp.Il est loin l’époque où des opposants craignaient d’être agressés au marteau comme Talla Sylla.‘La rue a vraiment inversé la tendance, assène un militant du M23.Ceux qui gouvernent doivent comprendre que le peuple est le seul dépositaire du pouvoir’.

Des Sénégalais s’en méfient…

Cependant, la fortification des remparts des Wade et leurs proches n’est pas pour rassurer les Sénégalais.Nombreux sont ceux qui pensent qu’il se trame des choses. Ils n’arrivent pas à comprendre que les pontes du régime libéral se ‘bunkerisent’, mais que les citoyens soient laissés en rade. Au moment où, surtout, on parle de la présence des mercenaires dans le pays.Des voix s’élèvent déjà pour décrier cette situation.‘La sécurité doit être garantie à tous les citoyens et non seulement à des gens qui profitent de l’argent du contribuable sénégalais’, dénoncent des membres de la société civile.

Le mercredi dernier, Me Bara Diokhané, avocat sénégalais établi à New-York, a, lui, dénoncé cet état de fait avec la manière. Ce jour-là, après avoir garé sa voiture en face du domicile privé du chef de l’Etat, vers 2 heures du matin, il a été voir les gendarmes en faction pour les interpeller sur leur présence massive devant cette maison plutôt qu’ailleurs.‘Mais pourquoi vous veillez seulement sur ce domicile alors que la ville entière est dans l’insécurité’, a-t-il questionné. Mais, en fait de réponse, il a plutôt été conduit au commissariat du Point E pour une audition avant d’être relâché.

Au sujet des mercenaires de la discorde, des sources avancent qu’ils auraient été déployés chez des barons du régime.Dans un document rendu public mardi dernier, les femmes de l’Apr affirment que ces mercenaires ont été postés devant des maisons des gens du pouvoir.‘Nous les avons repérés à travers leurs comportements’, insinuent-elles.A analyser la situation, l’on constate que le 23 juin a marqué les esprits.Dans un camp comme dans l’autre, les réflexes ont vraiment changé.