
Après Touba et les autres familles religieuses, les protagonistes autour de la candidature de Wade devront retourner à la case départ. Il faudra attendre la décision qui émanera de la consultation juridictionnelle. Les cinq sages (Cheikh Tidiane Diakhaté, Président ; Isaac Yankhoba Ndiaye, Vice-Président ; Siricondy Diallo, Chimère Malick Diouf et Mohamed Sonko, membres), devront bientôt recevoir les déclarations de candidature dont une particulièrement intéressante : celle du président sortant. Ainsi, conformément au principe de légalité, le juge constitutionnel, régulièrement saisi devra s’y prononcer. Si cette candidature « n’est pas conforme à la Constitution », comme le prétendent les adversaires du président de la République, appuyés par de nombreux constitutionnalistes, le juge va la rejeter, pour « irrecevable ». Car, outre ses compétences d’attribution relatives, à l’âge, à la nationalité exclusive, au dépôt de la caution et à la jouissance du candidat de ses droits civils, rien n’interdit au Conseil constitutionnel d’examiner les candidatures dans le fond. Ainsi, l’article 27 sera épluché tant dans son esprit que sa lettre. L’opération sera d’autant moins difficile, que tous les pièges autour de cette disposition qui encadre la candidature du président en exercice, ont été levés. Le professeur Guy Carcassonne, qui s’est prononcé sur la question, a déjà confirmé la position de Wade, qui se disait dans l’incapacité constitutionnelle de briguer un troisième mandat. A leur suite, Me Doudou Ndoye et bien d’autres constitutionnalistes ont eu la même position. Suivant cette perspective, le nom de Me Abdoulaye Wade ne devrait pas figurer sur la liste des candidats admis à participer à la compétition présidentielle. Il devra alors se contenter de signer le décret convoquant les électeurs. Un fait alors inédit !
Une grande première
Le cas échéant, ce sera une grande première dans l’histoire politique du Sénégal où un président organise sa « destitution ». Un cas d’école qui sera le bienvenu dans les facultés de droits. Mais, pour exclure le président Wade qui a bouclé ses deux mandats, les sages du Conseil constitutionnel devront aller au-delà d’une simple compétence d’attribution, conformément à la loi 92-23 du 30 mai 1992 sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique n°99-71 du 17 février 1999. Le juge devra alors transcender cette « compétence liée », pour répondre à des exigences sociopolitiques aiguës. Cheikh Tidiane Diakhaté et ses collègues devront convoquer l’éthique de responsabilité autant que celle de conviction pour, dans un sursaut de conscience collective, répondre présent à l’appel de l’histoire. En ce moment, ils ne seront pas seulement spectateurs quasi-anonymes : ils feront l’histoire. Le cas échéant, leur serment de « bien remplir leurs fonctions dans le respect de la Constitution et de se conduire en digne et loyal magistrat » aura un sens. Rien ne semble l’interdire, d’autant que le président Wade lui-même évoque l’idée d’un désistement, « par son propre gré, sans pression », selon ses propres termes. Mais, tant qu’il ne matérialise pas cette exigence lointaine des populations, le sursaut devrait venir des sages du Conseil constitutionnel qui le feront devant le tribunal de l’histoire.
Mansour NDIAYE
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