
Ces derniers jours, vous avez beaucoup de contacts avec des responsables libéraux. Vous-même, vous avez provoqué la rencontre de certains d’entre eux avec le Président Macky Sall. Cela n’est-il pas en contradiction avec les idéaux de vos alliés qui prônaient la non-transhumance ?
Nous pensons que le Sénégal forme une seule famille. Je n’aime pas le terme transhumance, parce que c’est un terme qui ne ressemble pas au Sénégal et aux Sénégalais. Et pour faire de la politique, on ne peut que se fonder sur les ressources humaines du pays. La règle de la démocratie est claire. Il faut avoir la majorité. Ceux qu’on appelle transhumants aujourd’hui, ne le sont pas, car on appartenait à la même famille, le Pds. Mais on a quitté cette famille, parce qu’elle ne répondait plus à notre idéal, mais aussi parce qu’il y avait trop de malentendus. Nous avons choisi notre voie et les gens nous ont rejoints. La démocratie se construit selon des règles, mais celles-ci ne nous permettaient pas de remporter l’élection présidentielle au 1er tour, car il nous fallait 51% pour être élu. Pour atteindre notre objectif, qui était la magistrature suprême, nous avons été obligés de nous allier avec d’autres coalitions. Des coalitions, comme «Bennoo Siggil Senegaal», parlaient de candidature unique. Personnellement, j’étais contre, parce que je n’y croyais pas, mais la démocratie est ainsi faite. On a vu ce qui s’est passé. Ces propositions de candidature unique n’ont jamais abouti et se sont soldées par l’éclatement et l’émergence de plusieurs candidats. Cela prouve que l’on ne partageait pas la même vision. Et au second tour, ce sont ces mêmes candidats qui nous ont rejoints pour permettre à Macky Sall d’accéder à la magistrature suprême. Et pourtant, il était impossible, au 1er tour, de les rallier à notre cause. Même si j’ai soutenu que mon candidat était le meilleur et qu’il avait les meilleures chances de s’en sortir. Comme les Moustapha Niasse et autres on ne peut les appeler transhumants, il doit en être de même avec nos frères libéraux avec qui on partageait le même parti avant qu’on décide de créer l’Alliance pour la République (Apr).
Accueillir les libéraux à l’Apr, n’est-ce pas créer une nouvelle virginité à des gens que le peuple avait sanctionnés lors de la Présidentielle ?
Non ! Le peuple n’a pas sanctionné une personne, mais un système entier.
Mais ce système était géré par ces mêmes personnes que vous voulez ramener aujourd’hui dans votre parti ?
Mais nous ne fonctionnons pas suivant le même système. On a prôné un nouveau type de gouvernement pour que le peuple nous accorde sa confiance. Et c’est sur cette lancée que nous comptons inscrire notre action. Vous ne pouvez pas me faire croire que parmi les libéraux, il n’y a que de la mauvaise graine. Au sein du Pds, il y a des gens qui s’étaient opposés à la démarche d’Abdoulaye Wade et de certains de ses affidés. Vu qu’ils ne pouvaient rien faire pour le stopper, ils ont pris leur mal en patience et quand le régime Wade a été battu au soir de la Présidentielle de 2012, ils ont quitté le navire pour essayer de retrouver leur idéal dans un autre camp.
Est-ce que Macky Sall a la même vision que ses collaborateurs concernant le débauchage des cadres libéraux ?
Je ne saurais vous dire quelle est sa position. Mais le Président Macky Sall sait bien qu’il ne peut pas diriger le pays avec seulement des membres de son parti.
Mais vous avez d’autres alliés comme ceux de «Benno Bokk Yaakaar». Y a-t-il un problème de confiance entre vous ?
Je ne parlerais pas de manque de confiance. Toute création de parti politique obéit à un cheminement et à une orientation politique. Quand on suit un tel cheminement, c’est qu’on vise une majorité pour son parti, son programme et sa vision. Même si on s’allie avec d’autres partis et qu’on obtient 60%, cela n’exclut pas qu’on ait besoin des autres pour renforcer notre majorité. Un parti est un regroupement de personnes qui ont la même vision, alors qu’au sein d’une coalition, on s’entend sur des points. Ce n’est pas la même chose. Donc, un parti est plus sûr qu’une coalition.
Donc, vous avez plus confiance en votre propre majorité ?
Tout leader, tout parti politique, a besoin de sa propre majorité. J’ai vu des ministres qui sont nos alliés et qui pourtant, quand ils vont dans certaines zones du pays, racontent aux populations qu’ils sont juste des alliés de Macky Sall, mais qu’ils appartiennent à tel ou tel parti. Quiconque travaille pour notre parti aura plus de faveurs.
Est-ce que votre coalition ne va pas vers l’éclatement ?
Ce n’est pas mon souhait, mais tout est possible en politique. Quelle que soit la durée du mandat du Président Macky Sall, j’espère qu’il continuera à travailler avec ses alliés. On fera notre bilan et ainsi, on pourra s’acheminer vers des élections.
Pensez-vous que cela soit possible, car vous ne partagez pas les mêmes intérêts et ils visent la même chose que vous ?
C’est vous qui le dites. Nous, on compte conserver ce que l’on a jusqu’à ce que Macky ait un autre mandat. Et même s’il quitte, le parti choisira un autre candidat qui briguera le fauteuil de président de la République pour deux mandats. Et ainsi, on pourra massifier notre parti d’ici à 30 ans.
Ce projet ne concerne pas la coalition «Benno Bokk Yaakaar», mais l’Apr seulement ?
L’Apr veut contrôler le pouvoir dans l’intérêt des Sénégalais. Nous pensons que nous avons le meilleur projet pour le Sénégal.
Vous n’aspirez donc pas à partager le pouvoir avec vos alliés ?
Non ! Je n’ai pas dit cela. Nous voulons partager ce pouvoir, c’est pour cela que nous avons ouvert nos portes à tout le monde. Même ceux avec qui nous ne partageons pas la même vision.
Certains de vos alliés, comme Ousmane Tanor Dieng, ou encore Moustapha Niasse, ont dit qu’ils ne seront pas des députés à la solde de Macky Sall. Est-ce que cela ne suscite pas des craintes chez vous ?
Si nous sommes élus députés, les autres et moi qui sommes de l’Apr comptons défendre le programme de Macky Sall et celui de notre parti suivant les orientations définies par Macky Sall.
Cela ne risque-t-il pas de créer des tensions entre vos alliés et vous, puisqu’ils disent qu’il n’y aura pas une majorité mécanique ?
Nous serons des députés de l’Apr et nous comptons défendre le programme de Macky 2012.
Le programme des Assises nationales ne fait-il pas partie de vos engagements ? Il faut poser cette question à ceux qui sont liés par le programme des Assises nationales. Nous sommes un parti politique qui s’appelle l’Alliance pour la République (Apr) qui s’est ouvert à d’autres forces pour former la Coalition Macky2012 pour défendre un programme dénommé «Yoonu yookuté». Notre programme est une continuité. Nous avons inclus certaines parties du programme des Assises nationales dans le nôtre et nous appliquerons, dans la mesure du possible, ce que nous pourrons appliquer. Tout ce que nous ne pourrons pas faire, nous prendrons la précaution d’en discuter au préalable avec le peuple.
Entre les deux tours de la Présidentielle, Macky Sall s’est rendu chez Amadou Mahtar Mbow pour signer la charte des Assises nationales…
Nous n’avons jamais paraphé les conclusions des Assises nationales. Nous avions émis beaucoup de réserves sur certains points. Pour être clair, l’Apr ne s’est jamais engagé à appliquer les conclusions des Assises nationales.
Il y a une contradiction dans votre alliance avec les autres coalitions. D’une part, vos alliés disent qu’ils ne vont pas vous donner une majorité mécanique et d’autre part, vous comptez nommer un allié au Perchoir. Est-ce que cela ne risque pas de vous fragiliser ?
Je ne suis pas au courant d’une telle mesure. Ni l’instance du parti, ni le Président Macky Sall n’ont manifesté le désir de nommer un allié à la tête de l’Assemblée nationale.
Le Président Macky Sall n’en a jamais parlé ?
Macky Sall a été très clair. Il en a parlé et je crois en ses paroles. Macky a dit que le président de l’Assemblée nationale doit être élu par les députés.
On a ouï dire que vous avez déjà préparé votre candidature…
Vous devez certainement être au courant et je réitère mes propos dans ces colonnes. Je tiens à dire que moi, Moustapha Cissé Lô, 3e sur la liste nationale de Bby, je compte, avec le soutien de mes camarades de parti, déposer ma candidature pour être président de l’Assemblée nationale.
En avez-vous discuté avec le Président Macky Sall ?
On n’en est pas encore là.
Et avec les autres instances du parti ?
Non, on n’en a pas parlé.
Et si le Président Macky Sall vous demandait de vous effacer au profit de Moustapha Niasse ?
Si mon parti décide que je ne serai pas candidat, je ne le serai pas.
Même si on vous demande de vous effacer au profit de Moustapha Niasse ?
Si mon parti me demande de ne pas être candidat, je ne le serai pas. Cela est clair chez moi. Et à ce moment, certainement, mon parti me donnera des raisons pour que je ne postule pas. Et qui doit postuler, car il faut obligatoirement un candidat à notre parti.
Il faut vaille que vaille un candidat à votre parti ?
Bien évidemment, parce que le parti ne peut pas avoir la majorité et ne pas diriger l’Institution, ne même pas avoir de candidat. Je ne sais si le candidat sera de notre parti ou de Macky 2012 ou de Benno. L’Apr aura son candidat.
Pensez-vous que votre alliance avec vos partenaires actuels sera pérenne ?
La politique est très versatile. Et les réalités d’aujourd’hui peuvent différer de celles de demain. La politique, ce n’est ni le Coran, ni la Bible. C’est une façon de penser et une fois qu’on ne se retrouve plus dedans, on a la liberté d’aller voir ailleurs. Des alliances plus solides que la nôtre se sont disloquées et d’autres plus fiables que la nôtre aussi, se sont solidifiées.
Cela ne vous surprendrait pas si votre alliance se disloquait aujourd’hui ?
Non ! Cela ne serait pas une surprise. Plus rien ne peut me surprendre en politique.
Quelle appréciation avez-vous des audits et des arrestations des anciens pontes du régime d’Abdoulaye Wade ?
Tout le monde sait ce qu’Ousmane Ngom a fait. Il a défié la justice et la justice l’a arrêté.
Les conseils des ministres décentralisés commencent à être décriés, de même que la désillusion commence à gagner les Sénégalais quant à la baisse du coût de la vie, est-ce que vous ne commencez pas à être frappés par les limites de l’action gouvernementale ?
Les limites d’un Etat sont insurmontables pour un novice, mais Macky n’en est pas un. Il a été à toutes les stations de l’Etat. Et rien que ses intentions sont louables. Il n’a pas encore fait 3 mois et les Sénégalais commencent à voir des résultats. Plusieurs choses ont changé. Et les finances publiques sont en train d’être assainies. Il est sur le chemin du changement et tous ceux qui sont honnêtes doivent le reconnaître. Les autres sont des contempteurs et ils ne peuvent que jeter des pierres dans le jardin de Macky.
Comment analysez-vous les différentes sorties d’Abdoulaye Wade ?
Juste comme celui d’un vieux sénile qu’on doit attacher ou le mener en maison de repos. Ces propos sont dénués de tout fondement.
Mais on l’accuse de vol ?
Ce dont je suis sûr, c’est que tout ce dont on les accuse, ils en sont en partie responsables. Ils possèdent des choses qui ne leur appartiennent pas totalement ou qu’ils ont acquises de façon illicite.
Vous vous êtes enrichis de façon très rapide avec vos moyens de campagne qui sont colossaux…
Avec la Coalition Macky2012, nous remettions 600 mille FCfa à chaque structure départementale. Si maintenant, la Coalition Bennoo Bokk yaakaar, riche des soutiens de Mouystapha Niasse, Ousmame Tanor Dieng, Idrissa Seck, pouvait donner plus d’un million FCfa…
Ces responsables suivent seulement, mais d’après des informations recueillies de militants, c’est vous, l’Apr, qui avez financé la campagne…
Je ne suis pas à ce niveau d’information pour savoir ce qui a été fait. Mais je pense sincèrement que la coalition pouvait donner 3 millions à chaque département, comme le faisait Abdoulaye Wade quand il était au pouvoir.
Vous appelez à répéter les méthodes de gestion de Wade…
Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire. Mais il faut comprendre qu’on ne peut pas faire de la politique avec des mains vides. Le terrain nécessite des moyens, car on ne peut faire le tour du pays à pied. J’ai suivi les élections législatives françaises, nous ne dépensons même pas le1/100è de ce que les Français mettent dans leur campagne.
On ne peut pas comparer le Sénégal à la France, qui a les moyens de sa politique…
Nous ne manquons pas de moyens.
D’où est-ce que vous tirez ces ressources financières que vous investissez dans la campagne ?
Nous ne sommes pas des chômeurs. Nous sommes dans des secteurs d’activités où nous tirons des ressources. Je prends le cas de la localité de Mbacké où j’ai ma base, j’ai prêté à tous les investis, chacun 2 millions FCfa pour démarrer la campagne électorale. Je l’ai fait de ma propre poche. Ils vont me rembourser quand ils seront élus car un député a les possibilités de bénéficier de prêts grâce à son statut. S’ils perdent les élections, je peux ne pas leur demander de me rembourser. Mais je suis sûr que nous allons gagner, parce que nous avons la majorité.
On n’est pas loin des 100 jours de gestion du Président Macky Sall. quels sont, selon vous, les points faibles sur lesquels le régime doit travailler davantage ?
Avant de juger, il faut d’abord qu’on commence à travailler. Les 100 jours, c’est de la littérature, car ce délai est très court pour juger le travailler d’un gouvernement. De la passation de pouvoir à la nomination des ministres et la formation des équipes, trois mois ne suffisent pas pour abattre un travail titanesque. Mieux, il y a beaucoup de Directions générales qui sont encore dirigées par des libéraux. Qu’est-ce qu’on peut faire avec ça ? Je pense qu’il faut laisser au moins un an à Macky et son équipe avant de les juger.
Est-ce que ce gouvernement aura une durée de vie d’un an, surtout que les résultats des élections législatives vont déterminer les nouveaux rapports de forces ?
Cela dépend du Président Macky Sall. Pour le moment, je n’ai vu aucun ministre commettre une faute qui nécessite une sanction.
REALISE PAR NDIAGA NDIAYE
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