
C’est le sujet de l’heure. Dans les officines officielles ou officieuses du Parti démocratique sénégalais (Pds) et de quelques-uns des partis-satellites de l’Alliance Sopi pour toujours (Ast), tout le monde - ou presque - planche sur «au cas où…» La (très, très) probable invalidation de la candidature du président de la république pour un 3ème mandat par le Conseil constitutionnel étant prise très au sérieux dans certains cercles libéraux, les «task forces» de Me Abdoulaye Wade et du Pds réfléchissent assidûment aujourd’hui sur les éventuelles solutions de rechange. Sur le profil et l’identité (surtout) de l’homme qui portera la candidature de l’actuel camp au pouvoir. Voire de la famille libérale. Sur un «plan B» tout court.
En public, ils sont nombreux dans le camp de la majorité actuelle à s’égosiller autour de la défense de la validité de la candidature de Me Abdoulaye Wade en 2012. En privé, hors micro, beaucoup de responsables au plus haut sommet du Pds s’interrogent sur la suite à écrire du destin présidentiel de Me Wade. Beaucoup, y compris Me Wade en personne, n’excluent plus l’éventualité d’une inconstitutionnalité de sa volonté de briguer un 3ème mandat et travaillent de plus en plus ardemment à «trouver un plan de sortie qui éviterait l’impasse» aux tenants du régime. Selon certaines sources bien introduites dans le cercle libéral, le chef de l’Etat Me Abdoulaye Wade a recueilli, en privé, les avis de trois des cinq Sages du Conseil constitutionnel sur la recevabilité ou non de sa candidature en 2012. Et la réponse du «sondage» a été sans appel. «Vous ne pouvez pas vous présenter pour un troisième mandat en 2012. La Constitution ne vous le permet pas», lui aurait-on confié. Compte tenu de la situation politique assez tendue dans son parti, renoncer officiellement à sa candidature créerait une implosion du Pds. Et le chef de l’Etat, malgré les pressions internes et étrangères, ne compte point renoncer à sa candidature tant qu’il bénéficiera de ses compétences mentales et physiques. En fin stratège politique, Me Wade a prévu un «plan B» si sa candidature est rejetée pour retourner la situation…en sa faveur.
«Le plan B Wade-Karim»
Déjà, le ministre-conseiller à la présidence de la République, Awa Guèye Kébé, invité à l’émission «Par conviction» à la 2stv, dimanche dernier, a annoncé la couleur. Sans rentrer dans les détails, il a laissé entendre qu’ils ne sont «pas des nains en politique» et qu’ils ont prévu «un plan B si la candidature de Wade ne passait pas». Dans le camp libéral, certains «fous du Roi» se sont émus de la sortie, l’imputant à un réflexe malheureux qui survient souvent dans un jeu de questions-réponses avec un journaliste. Mais la frange, plus large et plus lucide face au panorama actuel, y a décelé l’aveu confortant l’existence d’une issue de secours au cas où la volonté du Président de se succéder à lui-même serait étouffée dans l’œuf par le Conseil constitutionnel. «Nonobstant les discours officiels et convaincus servis en public ou aux médias, la vérité est que tout le monde dans le camp présidentiel y pense ou y travaille, parfois individuellement, souvent collectivement, avoue un ponte du Pds et de l’Etat. Le «plan B» est en chantier, c’est un fait.»
Ainsi explique-t-on dans certains milieux politiques libéraux, «Me Wade va maintenir jusqu’au bout sa candidature à la présidentielle 2012, tout en sachant que celle-ci sera sans doute rejetée». L’invalidation de sa candidature par le Conseil constitutionnel sera une aubaine pour le chef de l’Etat de trouver une «porte de sortie honorable» et de «dérouler autrement sa stratégie de dévolution monarchique» au profit de son fils, dont il se soucie au plus haut point de l’avenir au Sénégal. L’invalidation de sa candidature le mettrait dans une position plus ou moins confortable. Celle d’un démocrate qui respecte les décisions de justice. «Je respecterai la décision du Conseil constitutionnel», sérine-t-il depuis quelque temps, histoire de préparer l’opinion.
Avec le rejet de sa candidature, Wade se retirera de la compétition et se mettra dans une position d’organiser des élections libres et transparentes. Pendant ce temps, confient d’autres sources proches de la mouvance présidentielle, Karim Wade, qui n’a pas encore dit son dernier mot pour la succession de son père (malgré la lettre ouverte adressée aux Sénégalais et dans laquelle il ne dit pas qu’il ne va pas se présenter, mais qu’il combattait la dévolution monarchique), aura fini de se faire investir par un parti de la…Cap 21 comme son candidat. Une candidature qui naturellement sera validée par le Conseil constitutionnel. Et Me Wade va demander aux libéraux et aux alliés du Pds, qui seront ainsi mis devant le fait accompli à 29 jours de l’élection présidentielle, de se ranger derrière Karim. Tout en se disant prêt à mettre ses moyens et son expertise pour la victoire du camp de «Karim Wade et des libéraux abusés». Un «plan B» concocté et mûri par Me Wade qui se heurte aux réticences de la plupart des «historiques» du Pds pour qui «la fin de Wade signifie la fin de Karim, dont la puissance et la pseudo-légitimité actuelles reposent exclusivement sur son père».
«Le Plan B Pds-Idy»
Parallèlement à ce «plan B» du Président, subsiste et se peaufine en vérité un autre «plan B» plus réaliste concocté par certains responsables libéraux très influents avec une base politique réelle, afin de torpiller «le plan de succession des Wade». Selon des sources au cœur de cette guerre de plans, ces responsables libéraux n’entendent en aucun cas se ranger derrière Karim Wade, même s’ils étaient mis devant le fait accompli par leur guide de toujours, Me Wade. «Même s’ils courent les médias en soutenant mordicus qu’il n’y a pas de «plan B» et qu’il n’y a qu’un seul «plan A» pour faire plaisir à Me Wade, ils travaillent en secret sur le plan B», souffle un haut responsable libéral. Qui ajoute : «Pour eux comme pour moi, si la candidature de Wade est invalidée par le Conseil constitutionnel, nous allons tous nous ranger derrière Idrissa Seck qui apparaît à nos yeux comme le candidat naturel et le plus légitime de la famille libéral. Je vous révèle une chose : le jour où la candidature de Me Wade revient invalidée du Conseil constitutionnel, beaucoup d’icônes et de responsables du Pds vont se déporter dans le camp d’Idrissa Seck. C’est le «plan B» de la famille libérale ! Seuls ceux qui ont des contentieux insolvables avec Idy pourraient aller soutenir Karim, s’il osait se présenter, ou faire bande à part.»
Beaucoup d’historiques et de caciques du Pds, une fois privés de candidat par les «calculs et les intentions inavouées de Wade», se préparent à battre campagne pour le président de l’ex-Rewmi. Car pour la plupart de ces responsables libéraux et concepteurs de ce qu’ils appellent la guerre du «plan B du Pds» contre le «Plan B de Wade», Idrissa Seck est le candidat naturel du Parti démocratique Sénégalais (Pds). Une hypothèse déjà distillée par Idy qui, depuis son retour d’hibernation à Paris, n’a eu de cesse de répéter qu’ «il compte s’appuyer d’abord sur le Pds, qui est sa famille naturelle et dont il est actionnaire majoritaire pour accéder à la magistrature suprême». «Je mène des discussions continues avec des responsables du Pds qui me rappellent toujours que je fais partie du parti, ajoutait-il. Ils me disent que j’ai été exclu du parti par le Comité directeur, alors que le Comité directeur n’est pas le vrai Pds», parce que rempli de «transhumants». Un discours de l’ancien numéro deux du Pds qui épouse à bien des égards les arguments des concepteurs du «plan B du Pds» qui attendent «sagement» l’avis des cinq sages, avant de sortir du bois.
Pour l’instant, le mot de passe est : «Se taire, faire son travail comme si…» Car au sein de l’appareil du «plan B du Pds», la ligne de conduite se résume à une stratégie de la retenue observée jusque-là dans les médias. Tout le monde fait semblant, pour s’éviter, si (par miracle ?) le Conseil constitutionnel validait la candidature de Me Wade, un rétropédalage qui pourrait s’avérer embarrassant. Voire périlleux.
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