
Le retour de la paix en Casamance est fondé sur deux axes majeurs à savoir «la poursuite et l'achèvement du processus de paix» et «la mise en œuvre volontariste d'actions de développement économique, social et culturel répondant aux préoccupations des populations de la Casamance». C'est la conviction du Collectif des cadres casamançais.
Dans une lettre ouverte aux candidats au second tour de l’élection présidentielle du 25 mars 2012, les cadres casamançais formulent des propositions pour chacun de ces deux axes tracés pour le retour de la paix dans la région Sud meurtrie par 30 ans de conflit armée. Pour le collectif, la «poursuite et achèvement du processus de paix» doivent se faire sur la base des grands acquis du processus de recherche de la paix, avec come étapes essentielles, entre autres, la «rencontre des trois chefs d’Etat de la Gambie, de la Guinée Bissau et du Sénégal pour arrêter définitivement une stratégie de collaboration».
S’y ajoutent, «dans une démarche inclusive, rencontrer tous les acteurs : le Mfdc dans toutes ses composantes intérieures et extérieures identifiées, les forces vives de la Casamance (associations de la société civile, Ong, chefs religieux et coutumiers, leaders d’opinion, etc.). Ces rencontres qui doivent se garder de n’être que des moments de festivités encore moins de folklore, permettront de faire le point sur les aspirations profondes des uns et des autres et d’arrêter un agenda commun», précise la source. Il y également le fait de «faciliter les retrouvailles entre les responsables du Mfdc en vue de participer aux négociations et pouvoir parler autant que possible d’une seule voix, élaborer un plan de sortie de crise devant servir de base de négociation entre le Gouvernement et le Mfdc, en impliquant tous les acteurs représentatifs des forces vives de la Casamance, démarrer les négociations selon un protocole et un agenda arrêté de commun accord avec les acteurs impliqués». Les Cadres casamançais soulignent que la conduite du processus pourrait être assurée par le ministère de l’Intérieur avec la participation du Cardinal Théodore Adrien Sarr, de l’Imam Ratib Ousmane Fansou Bodian et de la Communauté Sant’Egidio, entre autres, sur le rapprochement des protagonistes.
Et de rappeler que le Mfdc dispose déjà d’un document de négociation élaboré à l’initiative de feu Abbé Diamacoune Senghor pour l’élaboration duquel étaient impliqués les associations de la société civile (jeunes, femmes, religieux) les groupements professionnels, les collectivités locales, les services techniques des trois régions administratives, le Collectif des Cadres Casamançais, etc. Désenclavement terrestre, maritime,aérien et ferroviaire Le second axe de cette sortie de crise, la «mise en œuvre d’un programme de développement à fort impact économique et social», nécessite dans le court terme, des mesures urgentes déclinées sous trois ensembles. Il s’agit du «désenclavement de la région ce qui permettrait, entre autres, de rétablir la continuité territoriale, de faciliter la circulation des personnes et des biens, mais également de donner aux Casamançais l’opportunité de vivre pleinement leur sénégalité».
Cela suppose sur le plan terrestre des infrastructures routières, la «construction d’une autoroute de contournement de la Gambie (RN6), construction d’un pont sur le fleuve Gambie», la réhabilitation, sans délais, du pont Emile Badiane, le bitumage des boucles du Boudié/Diassing et des Kalounayes, et la restauration des pistes dans les zones de production. Au plan maritime, il y l’acquisition d’un bateau jumeau pour passagers et d’un bateau pour le fret et l’achèvement du quai de Karabane, l’exploitation des aéroglisseurs assurant des liaisons quotidiennes, le dragage du fleuve Casamance afin de permettre aux bateaux de gros tonnage d’accéder au port de Ziguinchor et pouvoir ainsi le rentabiliser davantage et la mise en place de moyens de cabotage appropriés pour utiliser les nombreux cours d’eau et bolongs de la Casamance poursuit le document. Pour le désenclavement aérien le collectif propose la réduction des tarifs, l’augmentation des rotations en favorisant la concurrence, le renforcement du parking de l’aéroport de Ziguinchor pour l’atterrissage des gros porteurs et ce, en attendant la délocalisation de cet aéroport qui se trouve en pleine ville et qui limite le développement de Ziguinchor vers le Sud. Pour ce qui est des rails, les cadres de la région militent pour la réalisation du chemin de fer Tambacounda/Kolda/Ziguinchor pour renforcer le désenclavement. Le tout sera renforcé par le «désenclavement médiatique» qui passe par la «mise en place d’une chaine de télévision à vocation culturelle et environnementale à Ziguinchor dans un premier temps».
Discrimination positive avec un investissement de 100 milliards par an pour la Casamance Ce dernier axe de la résolution du conflit nécessite également la valorisation des ressources locales, avec la réhabilitation des unités industrielles de transformation du riz de l’Anambé à Vélingara, le Centre régional de production zoologique à Kolda. Il y a aussi la réhabilitation des unités industrielles de transformation et de conservation des produits halieutiques à Ziguinchor, la création de petites unités de transformation et de conservation de fruits dans les zones de production agricole et la réhabilitation de l’industrie touristique par une amnistie fiscale pour faciliter le redémarrage de l’hôtellerie en ruine. A cela s’ajoute l’électrification rurale pour toute la région naturelle de Casamance et en priorité dans les zones de production agricole.
D’ailleurs, «une discrimination positive est indispensable dans le cadre de la mise en œuvre d’une politique de décentralisation mieux adaptée à cette zone qui connait un brassage ethnique densifié. Au cours des 10 prochaines années, la Casamance a besoin, pour sa reconstruction, d’investissements lourds dans tous les secteurs, à hauteur d’au moins cent (100) milliards par an. Le financement pourra être assuré conjointement par l’Etat, les partenaires au développement, le secteur privé national et international en accordant une place importante au partenariat public/privé». Me Abdoulaye Wade, candidat sortant, avait présidé le 30 décembre 2004 à Ziguinchor les accords de paix entre le gouvernement du Sénégal et le Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc). Son challenger, le candidat Macky Sall, en sa qualité de Premier ministre, avait présidé la cérémonie d’ouverture des négociations entre le gouvernement et le Mfdc le 1er février 2005 à Foundiougne. (…)
«Cette situation constitue un gage de succès au regard des rôles que ces deux candidats ont eu à assumer dans la gestion des grands dossiers de l’Etat d’une part, et de leur connaissance d’autre part, de celui très sensible et très complexe du retour de la paix, mais aussi de la situation économique de la région», note le texte.
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