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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Economie

TRAHI PAR UNE MAUVAISE RECOLTE, APPEURE PAR LA PAUVRETE QUI L’ENVAHIT : Le cri de cœur du monde rural

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TRAHI PAR UNE MAUVAISE RECOLTE, APPEURE PAR LA PAUVRETE QUI L’ENVAHIT : Le cri de cœur du monde rural

Le monde rural, cette année, trahi par de mauvaises récoltes, une pluviométrie plus ou moins déficitaire et une distribution des intrants déficiente, a peur. Peur de souffrir durant toute une année, après que les prévisions ont été faussées. Car la graine semée, depuis les premières pluies, n’a pas donné les résultats escomptés. Ce qui risque de laisser sur la paille les paysans, dans ces contrées qui sont les moins favorisées du pays.

L’hivernage, cette année, n’a pas été des plus cléments. La pluviométrie a même été déficitaire. Les engrais tardivement alloués n’ont pas atteint l’essentiel de la population des agriculteurs. Un ensemble de facteurs qui a ruiné les espoirs des paysans à l’image de Samba Guèye. Ce jeune cultivateur, dont la localité Darou Salam, nichée entre Mbirkilane et Kaolack, a vu, cette année, ses récoltes baisser de plus de la moitié, faisant effriter ainsi les dernières attentes qu’il plaçait en chacune des graines qu’il a semées, depuis le début de l’hivernage dernier. Un scénario qui risque inéluctablement de faire basculer sa situation déjà précaire, vers une extrême pauvreté.
«Nous cultivons du mil, de l'arachide et du maïs. Le maïs nous l'avons cultivé, mais il n'y a pas eu suffisamment d'eau. Ce qui nous a beaucoup porté préjudice. L’hivernage, cette année, n’a pas marché du tout. Parce qu'on n'a pas eu ce qu'on espérait. La graine n’a pas tenu les espoirs qu’on avait placés en elle. L’arachide n'a pas donné les résultats que nous escomptions», se désole le jeune agriculteur. Coupe-coupe à la main, Samba Guèye qui profitait, étalé à même le sol, de l’ombre d’un grand fromager, de s’alarmer, déçu : «Pour vous dire ! Cette année, même la moitié de ce que nous espérions, nous ne l'avons pas eu. Les résultats de l'année dernière dépassent de loin ceux de cette année».
Et ce que redoute-le plus cet homme, c’est moins la faiblesse des rendements, que l’impact que celle-ci aura sur ses conditions de vie. Car, cette zone, qui n’est en aucune manière enviée par les autres coins du pays, a la singularité de n’offrir aucune autre activité que l’agriculture. Ce qui fait que les résultats de la présente récolte risquent de la précipiter dans une situation difficile voire dans une extrême pauvreté. «‘Fii ndöl amna fi doole torop. Ñak amna fi doole lool’ (Ndlr: Ici la pauvreté est très répandue). Et déjà durant l’hivernage, c’était extrêmement difficile pour nous de vivre. Aujourd’hui, vous voyez que les récoltes n’ont pas été bonnes», indique-t-il, d’un ton presque résigné, les lèvres et la peau blanchies par un vent encore chaud et chargé de sel, et ses vêtements témoignent ses durs labeurs de paysan.

«L'engrais est venu tardivement, certains en ont eu, mais d'autres n'ont rien reçu»
Evoquant les causes d’un tel fiasco, ce cultivateur du Saloum explique : «L'engrais est venu tardivement. Certains en ont eu, mais d'autres n'ont rien reçu. Et cela, jusqu'à présent. Les premiers qui ont payé ont eu, mais après d'autres ont payé, mais n'ont même pas eu. Et ils sont dans cette situation jusqu'à présent». Et cela montre, à ses yeux, que «le problème de l'engrais a aussi beaucoup participé à la baisse des résultats». «Car si l'engrais est utilisé à temps, il y a de fortes chances de faire une bonne récolte. Mais quand l'engrais tarde à venir, ça devient difficile. D’où la situation que nous vivons à l’heure actuelle», peste le jeune habitant de Darou Salam.

La mauvaise pluviométrie, l’autre problème
Et à cet aspect non négligeable, s’ajoute l’autre facteur déterminant, qu’est la pluviométrie. Sa baisse substantielle, cette année dans cette zone, a sérieusement compromis les choses. «Cette année, il n'y a pas eu d'eau. Ce qui fait que l'arachide est de très faible qualité. Ce ne sont que des coques. Les graines sont faibles et pas de bonne qualité», dit-il, dépité.

Pour survire, les femmes se rabattent sur le sel, seul moyen de s’en sortir
Samba n’est qu’un, parmi des centaines de milliers de paysans, déçu cette année par l’hivernage
en général, et l’agriculture en particulier. Car avant même que nous ne mettions un terme à notre petite conversation, sous ce grand fromager, enraciné à quelques encablures de la route nationale, vient s’intéresser à la discussion sa parente Ndèye Coumba Diop. La cinquantaine, au corps torturé et éprouvé par les vicissitudes de la vie, les membres quelque peu déformés par des travaux et une agriculture toujours manuelle et artisanale, la préoccupation de cette femme est tout autre.

Des prêts qui risquent de ne pas être remboursés, en raison d’une mauvaise récolte
«Ici, chez nous, il n’y a pas de projet. Il y en a un autre qui est cependant logé à Kaolack. On nous donne une petite somme d’argent que nous payons vers le 10 février. Et cet argent nous l'utilisons pour l'agriculture. Mais cette année, nous avons pris l'argent, on l’a investi dans l’agriculture et la récolte n'a pas tenu les espoirs qu'on avait placés en elle», a-t-elle confié, anxieuse. «Et nous devons payer le 10 février. Chacun avait pris 60 000 francs Cfa. Le paiement sera difficile. Et ce qui est sûr, c’est qu’il y aura de sérieux retards dans le remboursement de ces prêts», enchaîne-t-elle, préoccupée.
L’agriculture ne nourrissant plus son homme dans cette partie du Sénégal, notre interlocutrice pense que les financements devaient plutôt s’orienter vers la filière sel. «Nous, franchement, ce qui nous aurait bien aidé, c'est un projet sur le sel. Le sel est bien rentable ici. Qu'ils mettent à notre disposition de l'argent à partir du mois de janvier, et que nous puissions travailler dans le sel», clame-t-elle.
Et, pointant du doigt quelques cases construites tout au long de la route, elle explique : «Vous voyez toutes les cases là-bas, elles sont remplies de sel. Et là-bas aussi, les sacs qui sont à côté de la route, c’est du sel. Nous vendons cela à ceux qui viennent. La vente du sel est bien rentable. Et durant l'hivernage aussi c'est bien. Mais cette année franchement l'agriculture n'a pas marché».

MBIRKILANE : La cité du «Xaal» (pastèque) et des «Jakartas»

A moins d’une dizaine de kilomètres de Darou Salam, se trouve Mbirkilane. Localité par excellence de la pastèque. Ici, les populations semblent tourner le dos à l’arachide, pour épouser cette denrée, cultivée à grande échelle. A bon prix, la pastèque est une denrée qui foisonne dans les marchés, et surtout exposée tout le long de la Route nationale, où des camions gros-porteurs viennent opérer des chargements avant de faire cap sur Dakar.
Mbirkilane c’est aussi ses motos «Jakartas» qui tiennent lieu de taxis dans une ville dépourvue de transport en commun. Mais les exploitants de ce genre de transport en commun ne se réjouissent pas des profits qu’ils y tirent. Les jugeant pas trop conséquents. «Nous nous accrochons, même si ce n'est pas facile du tout. Les recettes ne sont pas conséquentes. Mais nous ne pouvons pas nous asseoir et croiser les bras. Les recettes évoluent en dent-de-scie», confie Pape Ndiaye, conducteur de moto «Jakarta».
Mais la principale doléance de ces motocyclistes, c’est l’érection d’une station d’essence chez eux. «Notre doléance essentielle, c'est la mise en place ici d'une essencerie. Nous sommes obligés d'aller acheter du gasoil ailleurs. Et on nous vend la moitié de la bouteille à 1000 francs Cfa. Et on ne peut faire que 4 courses avec cela. Cela ne nous arrange pas du tout. Alors que s'il y avait une station d'essence ici, on aurait pu faire le plein et travailler durant toute la journée», souligne Pape Ndiaye.
Et c’est à plusieurs lieux de Mbirkilane qu’ils vont se ravitailler en gasoil ou en essence, d’après lui. «Nos fournisseurs vont acheter de l'essence jusqu'à Kaolack ou à Kaffrine et ensuite, ils viennent nous vendre le litre à 1000 francs Cfa. Et avec cela, on veut en tirer le versement quotidien, c'est difficile. Il nous reste presque rien après tous les frais. C'est cela notre problème. La station la plus proche, c'est celle de Kaffrine. Et la station ne vend que du gasoil alors que certaines motos roulent à l’essence. C’est vraiment la galère», lâche-t-il. 



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