
L'Assemblée nationale de Guinée-Bissau a voté une loi interdisant l'excision, qui prévoit jusqu'à cinq ans de prison ferme contre les auteurs de cette pratique largement répandue dans le pays, a appris l'AFP lundi de source parlementaire.
Cette loi, qui a été votée le 6 juin à une écrasante majorité du parlement, doit encore être promulguée par le président Malam Bacai Sanha pour entrer en vigueur, a indiqué le député Antonio Serifo Embalo du Parti de la rénovation sociale (PRS, opposition).
Selon le parlementaire, le texte prévoit de un à cinq ans de prison ferme et une amende pouvant atteindre cinq millions de FCFA (7. 622 euros) contre toute personne reconnue coupable de mutilation génitale féminine. Les députés ont par ailleurs voté une loi interdisant la mendicité des enfants.
Avant le vote de la loi, une campagne de sensibilisation a été lancée à l'initiative d'associations locales, avec le concours de médias locaux.
"Nous avons mis à contribution des imams, des chefs de village et des leaders d'opinions pour sensibiliser les groupes qui pratiquent encore l'excision", a précisé M. Baldé.
La loi a été saluée par plusieurs ONG de défense des droits humains et militants de la lutte contre l'excision, pratiquée par plusieurs groupes ethniques à prédominance musulmane notamment à Bafata, Gabu (est) et dans certaines provinces du Sud. Dans des villes comme Bissau, les cas d'excision se multiplient en période de grandes vacances scolaires.
"Le vote d'une telle loi est déjà une victoire pour toutes les associations qui luttent contre cette pratique rétrograde. L'excision est une pratique qui n'a aucun lien avec l'islam comme le pensent nos parents au village", a déclaré la coordinatrice du Réseau des femmes luttant contre les pratiques néfastes, Fatumata Djau Baldé.
D'après une étude de l'ONG de locale anti-excision "Sining Mira Nassiquê", plus de 350. 000 femmes sur une population totale de 1,5 million d'habitants sont excisées en Guinée-Bissau.
Certaines exciseuses, qui tirent d'importants revenus de cette pratique, ont fustigé la nouvelle loi. "Nos mères et nos grand-mères ont été excisées; elles nous ont pourtant mises au monde sans difficulté. Nous n'écouterons pas les mensonges qui dénigrent nos coutumes", a réagi Maram Baldé, qui a affirmé à l'AFP manier le couteau d'excision depuis quatre décennies.
Bien souvent excisées avec un couteau, sans anesthésie, certaines filles et femmes souffrent de saignements et d'infections ou bien sont exposées à des accouchements à risque pour la mère et l'enfant.
"La loi ne va certes pas modifier du jour au lendemain une coutume fort ancrée dans les mentalités depuis des siècles, mais elle va faciliter le travail des associations et activistes qui luttent contre ce fléau", souligne dans une tribune publiée lundi par la presse sénégalaise la chercheuse Pierrette Herzberger-Fofana, auteur d'une étude sur le sujet.
Elle va permettre de "réprimer les expéditions transfrontalières des exciseuses vers la Guinée-Bissau" à partir du Sénégal voisin, où l'excision est passible d'emprisonnement depuis 1999, estime Dr Herzberger-Fofana, selon qui la Guinée-Bissau est le 19 pays d'Afrique à voter une loi anti-excision sur 28 concernés sur le continent.
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