C’est à la sortie d’un rendez-vous judiciaire, en mai 2004, au tribunal de Zurich que Mme Djami Diémé (une Sénégalaise bon teint), qui s’apprêtait à mettre un terme à son premier mariage, rencontre Roger Hayoz. Psychologue et traducteur auprès du tribunal, il est l’un des collaborateurs de la justice qui parlent français dans cette partie de la Suisse où l’anglais et l’allemand cohabitent. Et le lien linguistique va peu à peu les rapprocher pour finir en une histoire d’amour qui s’officialise en 2005 par un mariage sobre.
De cette union va naître en juillet 2005, une fille –Manon*- qui comblera ses parents de bonheur. «Mais mon bonheur sera de courte durée, regrette-elle. J’ai découvert que mon compagnon prenait des substances illicites et me battait tout le temps». Cette découverte va menacer la vie du couple. «Ainsi, j’ai quitté le domicile conjugal en 2006 pour trouver un appartement à Winterthur (une ville suisse) avec ma fille», affirme-t-elle. Les nombreux passages du père dans la nouvelle résidence de son ex, pour voir sa fille, ne se font pas dans le calme. La porcelaine comme les meubles vont faire les frais de sa furie. Et, à plusieurs reprises, la police du Canton sera obligée de faire des descentes pour ramener le calme et faire partir le visiteur indésirable.
Le quotidien de ce petit appartement du 21 Lowen strasse, à Winterthur, se serait bien déroulé ainsi si, en 2011, Djami n’avait pas fait une découverte qui va bouleverser son existence : parties au lit un mardi soir, elles ne se sont réveillées que 48 heures plus tard. Et cela, grâce à la maîtresse de sa fille, venue s’enquérir de l’absence de Manon à l’école, la veille.
«J’étais persuadée qu’elle était en classe le mercredi. Mais face à l’insistance de l’institutrice avec qui elle devait sortir, j’ai commencé à avoir des doutes», déclare-t-elle. Le vendredi, un début de réponse à ses doutes va s’offrir à elle. «Après avoir bu dans une bouteille que j’ai prise dans ma cuisine, je l’ai balancée sur le siège arrière de ma voiture. Soudain, j’entends Psssssss derrière moi et je vois des mousses et des bulles sortir de la bouteille mal fermée». L’analyse faite du contenu de la bouteille confirmera la présence de puissants somnifères. Aussitôt, elle conclut avoir été victime d’un empoisonnement. Et ses soupçons vont aussitôt vers Roger, qui ne ratait aucune occasion pour la menacer de mort.
A partir de cet événement, les malheurs vont se succéder : la voiture comme les fenêtres de son appartement vont faire l’objet de sabotage. La police suisse vers qui elle s’est tournée, ne va pas s’empresser de la croire. Elle lui conseille plutôt de s’approcher de son Assurance pour les dégâts. Commence alors une course folle pour se mettre à l’abri. A partir de ce moment, elle se sait en danger. Et comprend que personne ne lèverait le plus petit doigt pour l’aider.
Le seul proche qu’elle a dans le canton est Manfred Maurer, qui est aussi un ami de Roger. Sans hésiter, elles se réfugient à Mettmenstetten chez Manfred pour échapper à Roger. Sur invitation de leur logeur, Djami et sa fille, vont, un jour, faire une balade sur le Lac Léman avec un bateau à pédales. Le bienfaiteur avait mis la fillette sur ses genoux et pédalait pour faire avancer la barque. «Soudain, accuse-t-elle, j’entends ma fille crier «arrête, arrête». Je me suis levée de ma place et lui ai demandé de laisser ma fille.» Manon en pleurs, raconte à sa mère que le tonton lui a fait des attouchements. Mais lorsque la mère commence à lever la voix, Manfred aurait tenté de faire chavirer la barque. La mère et la fille quittent la barque, rejoignent la terre ferme à la nage, pour prendre leur voiture et se cacher en foret. Là, Manon, sommée de tout raconter, va faire de terribles révélations à sa maman. «Ça fait longtemps que Papa et Manfred me font mal,….» balbutie-t-elle. Et ce, tantôt dans la nature, parfois dans la propre maison de sa maman, dès que celle-ci tournait le dos.
Le traumatisme de l’enfant a été si profond que, dès que Roger sonnait à la porte, Manon, angoissée, s’empressait de se mettre sous la table et demandait à sa mère de la cacher. Mais, cette dernière qui n’avait rien vu venir, vaquait tranquillement à ses occupations. Musicienne de profession, Djami était tout le temps sur scène et soupçonnait pas le calvaire que vivait sa fillette. D’autre part, les nombreux cadeaux que le père et l’ami donnaient à Manon ne lui permettaient pas d’imaginer que sa fille pouvait faire l’objet de maltraitance. Pendant ce temps, la fillette, confiée à Roger, subissait la violence pédophile des deux hommes, toute une nuit parfois. Mais sous la contrainte, elle n’avait jamais rien révélé à sa mère jusqu’à ce jour.
Sonnée par ces informations, Djami s’empresse de contacter la police qui ordonne automatiquement des examens médicaux. En attendant les conclusions médicales, les ecchymoses sur les parties intimes et les traces de pertes blanches sur la culotte de l’enfant ne laissent aucun doute : elle a eu une activité sexuelle régulière. La police qui ne tarde pas à disposer des derniers résultats confirmant le viol, va procéder à l’interpellation de Manfred Maurer. Ce dernier, ayant reconnu les faits, dénonce son ami. Mais, la police ne procédera jamais à l’interpellation de Roger Hayoz, considéré comme un notable et un dévoué auxiliaire de la justice. Et, malgré les nombreuses expertises commanditées par la justice, Manfred finit par être libéré après deux semaines d’incarcération. Face à ce déni de justice, et pour sauver sa tête comme celle de sa fille, Djami a fui Zurich pour se réfugier en France. Elle est depuis quelques jours, hébergée quelque part en région parisienne.
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