
L’Observateur - Le Sénégal a toujours été un pays complexe. Aussi religieux que permissif. Aussi moderne que traditionnel. Pudique et à la fois pervers. Il regorge de saints mais compte aussi des pervers de tout acabit. Chaque année, des cas de viols et des meurtres crapuleux se comptent par centaines. Un maître coranique qui se laisse tenter par Satan. Un professeur qui oublie son sacerdoce, ne se concentrant que sur les rondeurs naissantes d’une élève précoce. Un oncle qui profite de l’absence de la famille pour profiter de la peur révérencieuse que sa nièce a à son endroit. Un homme de tenue qui bafoue la loi qu’il est chargé de protéger uniquement pour satisfaire sa libido. Un père qui confond sa fille à sa femme… Des cas de viol pareils noircissent tous les jours les pages «faits divers» des journaux. En langage journalistique, on peut même dire que c’est devenu un «marronnier». Comme les viols, les morts d’homme sont tout aussi «banalisés». Des militaires continuent de tomber en Casamance sous les balles des rebelles. Les agresseurs sévissent et ôtent des vies pour se remplir les poches. Des sapeurs-pompiers, en service commandé, meurent au champ d’honneur en essayant de sauver des vies. La route fait d’innombrables victimes surtout lors des grandes manifestations religieuses. Mais le fait nouveau, c’est le raffinement dans la barbarie et le sadisme sans limite de certains crimes auxquels on assiste depuis quelque temps. En la matière, l’année 2009, si l’on peut dire, a été un must. Ainsi, Le vendredi 13 mars 2009, le corps d’une dame, Fama Niane, découpé en 13 morceaux, est découvert sur la plage de Kussum. Sacrifice rituel ou crime passionnel ? Personne ne sait, mais ce crime particulièrement odieux va défrayer la chronique pendant de longues semaines. Son meurtrier, devenu une sorte de «Jack l’éventreur» tropical, court toujours. Le même mois, soit le 25 mars 2009, une autre dame, Mously Lô, domiciliée au quartier Touba Hlm, est décapitée, les yeux crevés avec un tesson de bouteille. En août 2009, une dame de 62 ans, vendeuse de cacahuètes, est découpée en morceaux dans sa chambre à Pikine Guinaw-Rail. Maïmouna Dione, elle s’appelait. Son meurtrier a poussé son sadisme tellement loin qu’il a enterré ses boyaux sur place et découpé les parties de son corps pour les mettre dans des bassines en caoutchouc. Une horreur. L’indignation des Sénégalais n’a duré que le temps d’une rose comme si plus rien ne les étonnait, dans une société où tous les repères moraux foutent le camp. Pourtant, malgré tout, il restait des gens qui continuaient à croire qu’un malfaiteur, aussi aguerri soit-il, ne s’en prendrait jamais aux personnes qui ne savent pas se défendre. Et on pensait naïvement que le plus endurci des criminels aurait des scrupules face à un malade, un enfant, un handicapé, une femme enceinte ou un vieillard. Erreur ! Les délinquants «de type moderne», ceux qui ont signé le meurtre du boutiquier handicapé de Saint-Louis et violé tour à tour une épileptique de 80 ans à Guinaw-rail, n’ont cure de ces considérations de «faux durs». Ni les supplications du jeune boutiquier, qui n’a pas de vigueur aux pieds pour courir ou se défendre, ni la condition de mère Ndioufa, une dame âgée, vivant seule dans des conditions misérables et malade de surcroit, n’ont refroidi leurs ardeurs meurtrières et libidinales. Ils ont liquidé le boutiquier froidement. Et se sont soulagés sur la pauvre dame. Toute honte bue. C’est aussi çà le Sénégal. Y en a qui sont capables de faire du mal comme il leur est facile de siroter une tasse de thé. Quand une société en arrive à cohabiter avec cette « banalité du mal » dont parlait Annah Arendt, c’est que quelque chose ne tourne plus rond.
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