
A la veille du deuxième tour de l'élection présidentielle qui, pour sûr, et quel que soit le vainqueur, marquera un tournant décisif de l'histoire de notre pays, nous ne pouvons que, de cette faible et lointaine voix, lancer à tous nos compatriotes, un appel pressant à la paix.
Certes, les passions sont au zénith. D'ailleurs, cela a toujours été le cas dans l'histoire politique du Sénégal. Tant sous la colonisation, avec Blaise Diagne, Ngalandou Diouf, D. Clédor, Moustaphe Malick Gaye, Me Lamine Gueye Coura Waly et suite, que sous les différents régimes, Léopold Sédar Senghor, Mamadou Dia, Abdou Diouf et Me Abdoulaye Wade qui ont eu à se succéder depuis l'indépendance. Et – c'est regrettable - le sang a eu encore à couler. Ce qui cependant ne saurait nous empêcher de revenir à la raison. Et ce, maintenant même. Et nous y serons forcés. Inéluctablement. Autant donc ne pas pousser dès lors les rancoeurs. Autant ne pas les gonfler inutilement. Encore qu'il s'agit, dans cette légitime exaltation et derrière ces vives convoitises, du même pays qui, parce qu'il nous est commun, n'est ni celui de Abdoulaye Wade et ses partisans, ni celui de Macky Sall et les siens. Mais celui de tous les Sénégalais. Ce qui fait que le président qui sera élu, dimanche prochain, ne sera pas celui d'un seul parti ou d'une telle coalition de formations, mais celui de tous les citoyens.
C'est pourquoi nous nous chagrinons profondément d'entendre toujours parler de combat dans cette consultation. Même si ces luttes, justifiées ou sans fondement, ont été menées avec – et nous nous en affligeons encore plus - leur lot de victimes. Néanmoins, nous ne nous devons pas d'augmenter leur nombre. D'ajouter d'autres deuils à ceux qui ont déja meurtri bien des familles. Voire toutes les familles. Car il y a une spécifité dans ce pays qui fait que nous sommes tous parents. Directement ou par le biais d'autrui. En somme, plus qu'une nation, nous sommes d'abord une grande famille. Ce qui, pour le moins, devait nous obliger à prendre autrement la chose publique.
À ouvrir le coeur de chacun d'entre nous, on y trouvera, au côté de sa mère, sa „ sénégalité „ et une foi que symbolisent chez certains leurs marabouts dont les plus représentatifs se sont d'ailleurs limités, dans ce jeu de passions et de dérives, à lancer un appel à la paix. A ne pas soutenir un tel au détriment d'un autre, bien que rien ne les oblige à cette neutralité si ce n'est ce lourd danger qu'ils percoivent bien dans les circonstances actuelles et qui risque de nous entraîner dans un abîme profond. Écoutons-les donc et revenons un peu à la sérénité. A un peu plus de calme. Faisons simplement preuve de maturité.
En somme, ce qui nous unit est beaucoup plus solide et, de loin, beaucoup plus profond, que ce qui nous sépare pour le moment. Ceci d'autant que nous parlons du même amour – par égards tyrannique, certes – pour le même pays. Pas pour un terroir quelconque à conquérir. Un sentiment qui, en ce qui nous concerne – et nous ne sommes pas les seuls, à ce faire – aussi vital qu'un cordon ombilical, nous lie indéfectiblement à ce pays dont nous avons encore la nationalité, et fièrement d'ailleurs, bien que vivant et travaillant dans le meilleur cadre possible depuis quarante ans à l'étranger. Et qui, pour ne pas parler des avantages qu'une telle fidelité fait forcément perdre, nous avait amenés, lors de l'élection de 1988, alors que la presse ne bénéficiait pas de sa liberté actuelle, à contester et à dénoncer, dans les règles de l'art mais fermement, l'arrestation de l'opposant Abdoulaye Wade et à demander au président Abdou Diouf, cet homme d'État dont nous saluons, au passage, la grandeur, de lui tendre la main, dans la marche du pays, en ce sens qu'il revendiquait le même amour que lui pour mener à bien nos destinées.
Ce n'était donc ni un acte de bravoure, ni par accès de folie. C'était plutôt facile de tenir un tel langage. Car nous avions devant nous un exemple vivant qui inspirait tout le monde. De par son savoir, sa conduite, son langage et surtout cette simplicité qui faisait oublier le saint homme qu'il était et qui s'appelait Abdoul Aziz Sy Debaax Malick. Et le navire, à sa disparition, aurait sans doute chaviré, si ce n'était cet autre saint homme que fut Serigne Saliou Mbacké. Mais aussi et encore aujourd'hui, de par la grâce de tous les descendants de Maam Marham Mbacké et de Farimata Seck - c'est Touba et Tivaouane à la fois - qui se sont succédé au califat. De par celle de tous ces descendants de dignitaires religieux et non des moindres et de par celle, tout aussi noble, des représentants de toutes les églises, chapelles et confessions dont regorge ce pays ainsi béni. De facto.
Ce qui fait que nous ne comprenons plus rien, aujourd'hui, à l'attitude de ce vénérable talibé de Serigne Saliou Mbacké qu'est Cheikh Bethio Thioune, le héraut de Madinatoul Salam qui, à se confondre complètement avec lui, s'en inspire entièrement. Pas dans cette consigne de vote qui relève de son moindre droit, voire même son devoir, du fait que chacun, à ce propos, a ses raisons. Mais en ce qu'il ait, dans la même foulée, demandé à ses affiliés de s'armer de gourdins qui, bien que considérés curieusement par le ministre de l'intérieur Me Ousmane Ngom comme des armes paisibles, ne sauraient que renforcer les conditions d'une violence possible sur laquelle nous ne pourrons fermer les yeux. C'est pourquoi, en ces lignes, nous demandons solennellement à Cheikh Bethio Thioune – un homme que nous admirons beaucoup et respectons autant, pour avoir, entre autres, réussi à canaliser vers un devenir meilleur, bien des générations qui, à leur cri de détresse, ne trouvaient plus de réponse et dans la famille et dans la société, de désarmer ses talibés. Et ce, au nom de Serigne Saliou Mbacké. Certains qu'il nous accordera, dans sa générosité sans borne et sa magnanimité légendaire cette infime faveur. Par la grâce du saint homme.
Évidemment, les camps sont là. Et leurs partisans aussi. Et ils se font face. Et c'est bien. Seulement, il n y est pas d'ennemis à démolir et à descendre, encore moins à abattre. Tout au plus des adversaires. Et encore! Par conséquent la haine n'y trouverait point place. Ce faisant, apaisons les esprits et ramenons la paix dans nos coeurs, même s'ils sont blessés et serrés afin que chacun puisse aller voter librement dimanche prochain dans le calme et la concorde pour le candidat de son choix. Et ce, sans aucune crainte, sans la moindre appréhension. Pour le bonheur de ce peuple que nous formons tous, dans ce pays qui est le nôtre. A nous tous.
En rendant hommage, pour être objectifs – et permettez! même si d'aucuns s'en offusqueront – à ce vainqueur avant terme qu'est Youssou Ndour. Lui, dont la candidature – nous y reviendrons prochainement dans notre blog sur seneweb – quoiqu' invalidée, a permis tout au moins au monde entier de parler du Sénégal et de son élection. Et de suivre encore avec intérêt ce qui se passe dans ce petit pays d'Afrique qui, espérons-le, sortira, de nouveau, bien agrandi de ce défi, pour entamer, dès lundi prochain, un chemin qui conduira son peuple vers des lendemains meilleurs. Mais cela ne dépendra finalement que de nous.
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