
A l’intérieur, un simple ordinateur alimenté à l’aide d’un générateur électrique permet d’inscrire les candidats à la loterie. Sur la table, une pile formulaires est posée. Un jeune, assis sur une chaise, remplit le registre des inscriptions et délivre en même temps un reçu en bonne et due forme avec un numéro. Sur les trois autres chaises sont assis des candidats qui attendent leur tour. A un certain moment, la tente deviendra très petite pour accueillir tout ce bon monde qui arrive de tous les coins de la capitale pour donner un début de la matérialisation à leur rêve de partir faire fortune au pays de l’Oncle Sam.
En fait, toutes ces personnes, majoritairement des jeunes, saluent l’initiative de la mise en place de cette loterie de visas américains. Pour une jeunesse sénégalaise qui, pour rejoindre l’Eldorado européen, a payé un lourd tribut dans la mer en empruntant des pirogues de fortune ces dernières années, une telle initiative est forcément bien perçue. Et elle est gratuite en plus. ‘De nos jours, le visa est tellement difficile à obtenir dans les ambassades occidentales. Cette initiative des Américains est une bonne chose pour les jeunes africains dont une partie est morte dans l’océan. Ce que nous voulons, c’est que les autres occidentaux copient l’exemple des Usa’, lance Ben Fall, la quarantaine et qui rêve de gagner à la loterie. Embouchant la même trompette, Yacinthe Tine, la quarantaine passée et qui se définit comme un ‘businessman’, pense que ‘la loterie de visas américains est un espoir pour nous les petits ouvriers qui ne peuvent pas avoir de visas ordinaires. Car avoir un visa aujourd’hui demande beaucoup d’argent. C’est la croix et la bannière. Et comme ce sont les Américains, nous espérons’. ‘C’est une excellente idée. Et aussi bien le gouvernement américain que les émigrés y gagnent. Car tout le monde connaît le dynamisme dont sont porteurs les émigrés. En même temps, le gouvernement des Etas-Unis aura une main d’œuvre qualifiée à bon marché pour relancer son économie’, souligne Ben Fall. Avant de faire remarquer que la plupart de ceux qui désertent le pays, ont au minimum le Bac, sans compter tous les surdiplômés au chômage ou les actifs aguerris qui s’en vont.
Cependant, un jeune que nous avons rencontré sur les lieux et qui était venu prendre des informations, ne croit pas à cette loterie de visas américains. ‘C’est du marketing simplement. En plus, je n’ai pas de chance pour gagner à la loterie’, dit-il. Et notre interlocuteur qui a préféré taire son nom, de confier qu’il a un grand frère qui est aux Usa depuis douze ans, mais qui n’est jamais revenu. ‘Avant, il appelait, mais maintenant il n’appelle plus. Pourtant, il a des papiers légaux. S’il n’est pas revenu jusqu’à maintenant, à mon avis c’est qu’il a des problèmes d’argent’, déclare-t-il en s’élançant sur son scooter.
En tout état de cause, ce qui est manifeste, c’est la forte envie d’émigrer aux Etats-Unis de ces jeunes au chômage qui sont des étudiants sans perceptive d’emplois et des travailleurs désabusés. Tous évoquent des raisons économiques pour justifier leur obsédante envie de s’expatrier, en abandonnant parents, famille et amis derrière eux. ‘Je veux partir pour gagner de l’argent et revenir investir dans mon pays. Je n’ai nullement envie de rester éternellement en dehors de mon pays. J’ai de la famille et j’arrive difficilement à la satisfaire. Car ici, les temps sont durs et il n’y a d’espoir que cela change de sitôt’, soutient un candidat à la loterie sous couvert de l’anonymat. En attendant de voir son rêve d’avoir le statut de résident légal au pays d’Obama, notre interlocuteur continue à gagner son pain quotidien en tant que commerçant ambulant.
De l’avis de Ben Fall, un autre candidat à la loterie de visas américains, ‘devenir commerçant ambulant est la seule perspective de travail qui s’offre à la jeunesse. Mais si tout le monde vend, qui va acheter ?’, s’interroge-t-il. Le sort de Ben Fall ressemble celui de milliers jeunes Sénégalais sur qui la famille a placé beaucoup d’espoir, mais qui, conjecture difficile oblige, n’arrivent pas réaliser ces attentes. ‘Tout le monde veut rester dans son pays et s’y réaliser. On n’émigre pas par plaisir. Mais, on y est contraint. Car chez nous, il n’y a pas de boulot. Nos dirigeants ont tout gaspillé. Et les jeunes paient les frais de cette mal gouvernance’, peste-t-il.
Pour d’autres, ce n’est pas le fait de vouloir gagner de l’argent pour améliorer leur existence qui est la motivation première à vouloir partir chez Obama à tout prix, mais l’envie de faire des études. ‘Je suis en terminale. Et je souhaite que quand j’aurais mon Bac et que Dieu me donne la chance de gagner à la loterie, pouvoir poursuivre mes études aux Etats-Unis. Car ici, l’université n’offre pas de perspective d’emplois’, se justifie un anonyme de 21 ans. Autant dire que cette attractivité de la loterie américaine de visa s’explique par cette forte envie des uns et des autres d’améliorer leur quotidien.
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