
Si, également, nous observons la mobilisation de la communauté internationale et les importants moyens logistiques, maritimes, aériens et terrestres mis en œuvre pour rechercher et repêcher les corps des victimes, les épaves de l’avion ainsi que la boîte noire à des milliers de kilomètres de la terre dans des profondeurs marines inouïes, afin que l’on puisse déterminer les causes précises de l’accident pour que nul n’en ignore, nous ne pouvons nous empêcher de toujours nous poser la question lancinante, pourquoi, dans le temps voisin de l’accident du Joola, non loin de la terre ferme, la décision n’était pas prise de renflouer le navire qui aurait permis de déterminer les causes matérielles précises du chavirement et de repêcher tous les corps des victimes, permettant ainsi aux familles des victimes de pouvoir faire leur deuil et d’avoir la conscience tranquille ? Nous nous demandons, aussi, pourquoi le dossier était classé sans suite judiciaire au niveau des juridictions sénégalaises, laissant un vide juridique au seul motif de la disparition du commandant du navire ?
Nous pouvons bien comprendre que le renflouement du navire pouvait réveiller une torpeur plus grande chez les populations en raison de l’échelle et de l’atrocité extrême des conditions dans lesquelles les passagers ont rendu l’âme. Toutefois, le renflouement du navire aurait permis de déterminer les causes matérielles exactes de l’accident. Non pas pour situer seulement des responsabilités, mais, surtout, pour éviter que pareille catastrophe humaine ne se reproduise, tout en permettant aux familles des victimes de sortir de l’énigme et de faire leur deuil. Il faut se rendre compte que l’oubli sur lequel misent les pouvoirs publics, ne pourra jamais prévaloir dans le cas d’espèce dès lors que des questions importantes en suspens resteront toujours sans réponses adéquates. Si bien que la recherche de la boîte noire de l’A330 des épaves pour la reconstitution de l’appareil et des corps et objets des victimes, au milieu de l’Atlantique, comme s’il s’agissait de chercher un cheveu dans une mer, constitue un devoir impératif pour la sécurité de la navigation aérienne sur la prévention des risques d’accident et pour le traitement adéquat des catastrophes, compte tenu des nombreux enjeux humains, politiques, financiers et judicaires. Dans le cas d’espèce, la raison d’Etat ne doit pas prévaloir sur la recherche de la vérité.
Pour le cas de l’accident du Joola, le droit à l’indemnisation ne devrait pas être conditionné par l’exigence des pouvoirs publics de l’impossibilité de saisine des juridictions sénégalaises par les citoyens nationaux ou étrangers des familles des victimes de l’accident du bateau. Si le droit à l’indemnisation et de réparation est absolu, le droit de saisine des juridictions est également absolu et constitue un des droits fondamentaux de l’homme que tout Etat au monde devrait protéger. Le privilège de juridiction d’une certaine catégorie de personnalités n’enlève en rien le droit à la justice de citoyens victimes d’accidents, offensés, spoliés ou opprimés. C’est dire qu’en cherchant à empêcher aux familles des victimes de saisir les juridictions sénégalaises, assujetti de surcroît à l’octroi d’une indemnisation dont les montants étaient unilatéralement déterminés, l’Etat du Sénégal, manifestement, avait voulu sacrifier le droit inaliénable des citoyens à la justice, à la vérité et à la réconciliation.
Le Sénégal pouvait bien ouvrir une information judiciaire et prendre tout le temps nécessaire pour le déroulement de la procédure pour calmer les esprits, tout en ayant la ferme volonté d’agir dans le sens d’une justice des hommes, quels que soient les niveaux de responsabilité. Il se trouve qu’avec le vide judiciaire laissé par l’Etat du Sénégal, en raison de la compétence résiduelle, la justice française devenait compétente, comme le plaidait à juste raison le parquet général au niveau de la troisième chambre d’instruction de la Cour d’appel de Paris en demandant la poursuite de l’instruction sur l’accident du Joola, nonobstant l’abandon des mandats d’arrêt internationaux lancés contre des autorités sénégalaises.
En ce qui concerne l’accident de l’A330 d’Air France, en dépit de la volonté politique qui se manifeste à travers l’importante mobilisation des moyens mis en œuvre pour rechercher les corps des victimes, ainsi que pour déterminer les causes exactes de la catastrophe, une information judiciaire est ouverte, qui est un acte pouvant permettre aux parties civiles constituées d’avoir accès au dossier de l’enquête et d’être informées de manière précise sur les circonstances de la disparition de leurs parents. La procédure judiciaire entamée ne sera certainement pas arrêtée et classée sans suite pour disparition du commandement de bord de l’A330 d’Air France.
Kadialy GASSAMA - Economiste Rue Faidherbe x Pierre Verger Rufisque
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