
Sabodala est un village malinké situé à 123 Km à l’Est de Kédougou. Le sous-sol recèle d’importantes ressources de minerais notamment l’or. L’Etat du Sénégal, n’ayant pas les moyens nécessaires de l’exploiter, a cédé à des multinationales des titres miniers. Mineral deposits limited (Mdl), une société australienne, et Oromin sont les plus en vue sur le site de Sabodala. Mdl, titulaire d’un titre minier d’exploitation, dispose d’un périmètre de 20 Km2 alors que la multinationale canadienne Oromin est détentrice d’un permis de recherche sur une superficie de 230 Km2. La présence de ces multinationales à Sabodala avait suscité un grand engouement chez les populations, particulièrement les jeunes, qui espéraient finalement trouver de l’emploi. Rien que Mdl devait créer 650 emplois directs dont les 600 réservés aux Sénégalais. Mais les populations se sont rendus compte de jour en jour que toutes les promesses qui leur ont été faites par les autorités n’étaient en fait que des leurres. Aujourd’hui, Sabodala et tous les villages environnants ont plus que perdu avec l’arrivée de ces multinationales qui étaient perçues comme des messies au départ. Ici, les sentiments les mieux partagés sont la déception et l’amertume.
Moyens de subsistance des populations perdus
Les populations qui se trouvent dans le périmètre minier ont presque tous perdu leurs champs, confisqués qu’ils sont par les sociétés minières. Selon certaines d’entre elles rencontrées, une grande partie de leur bétail a été décimé par les opérations minières surtout avec la dynamite utilisée lors des minages.
Pour compenser toutes ces pertes, on avait promis de recruter des jeunes dans chaque famille. Mais depuis, ils courent derrière ces emplois. Ceux qui sont dans les sociétés y travaillent par rotation, nous dit un jeune. «Un journalier a droit à 6 jours dans la semaine à raison de 2500 francs par jour. Après, on peut rester deux à trois mois avant d’intégrer à nouveau une équipe. Pendant ce temps, d’autres privilégiés travaillent de manière continue grâce à des bras longs», fulmine-t-il.
Villages menacés de déguerpissement
Dans certains villages, les populations vivent sous la hantise des déguerpissements par les sociétés minières. Des sondages effectués ont montré qu’il y a des réserves d’or sur certains sites habités. Ces populations ne dorment plus depuis qu’on leur a annoncé qu’elles devaient quitter les lieux afin de permettre aux sociétés d’exploiter l’or qui se trouve dans le sous-sol. En dehors des villages, les machines sont entrées dans un cimetière pour y faire des sondages, nous dit-on. Ces profanations de lieux sacrés et de sites historiques ont exaspéré les populations qui jurent la main au coeur qu’elles ne se laisseront pas faire. En effet, les villages situés dans le Bélédougou sont la plupart des villages centenaires et abritent des lieux sacrés liés surtout à l’histoire et à la culture des ethnies qui y vivent. Les populations sont très attachées à leurs terroirs et prêtes à y rester au prix de leurs vies, disent-elles.
Le programme social minier, un leurre
Se rendant compte qu’elles ont été bernées depuis le début, les populations ont alors commencé à réclamer les retombées de l’exploitation minière dans leur localité. Khossanto, chef-lieu de la communauté rurale qui abrite les plus grandes multinationales citées plus haut, avait donné le ton au mois de novembre 2007. Les jeunes de 24 villages sont descendus dans les rues pour crier à l’injustice et attirer l’attention des autorités sur ce qui se passe à Sabodala. Ils avaient barré l’axe menant à Kédougou, empêchant ainsi tous les véhicules des sociétés minières de se rendre à Kédougou ou à Sabodala. Deux mois après, Madické Niang, alors ministre des Mines et de l’Energie, lançait officiellement en grandes pompes le programme social minier. D’un montant de 3,5 milliards, il a été mis en place afin de réaliser des infrastructures au niveau de toutes les collectivités locales qui abritent des opérations minières. C’était le 16 janvier 2008 à Sabodala. Un comité technique restreint chargé du suivi-évaluation des infrastructures qui devaient être réalisées par le programme fut ainsi mis sur pied, renseigne un habitant de Kédougou, membre. Tous les trois mois, ce comité devait faire un rapport sur l’avancement des travaux inscrits dans le programme social minier. «Aujourd’hui, le constat est qu’à l’exception du Cem de Khossanto dont la construction n’est pas encore terminée et la location d’un immeuble à Dakar pour les étudiants ressortissants de Kédougou, rien de tout ce qui a été prévu par le programme n’a été réalisé». Dès lors, les populations se sont senties roulées dans la farine et les frustrations se sont accumulées.
Un plan de gestion environnement et social inexistant
Suivant le code minier, avant la signature de toute convention minière, l’Etat doit exiger qu’une étude d’impact environnementale soit menée afin de ressortir tous les effets positifs et négatifs que l’activité minière va générer. Dans le cas de Mdl, note un acteur d’une organisation non gouvernementale basée à Kédougou, l’Etat a laissé faire. L’étude a été réalisée bien après le démarrage des opérations de Mdl. «Actuellement, les collectivités locales n’ont aucune idée sur les tenants et les aboutissants du plan de gestion environnemental et social. Un plan qui devait donner des orientations par rapport à la restauration de l’environnement après les dommages occasionnés par les opérations minières», renseigne-t-il. Pis, les collectivités locales n’ont jamais été associées à quoi que ce soit, estiment certains de leurs représentants. Elles ne font que constater impuissamment les dégâts. C’est pourquoi la plateforme régionale des acteurs non-étatiques sur les accords de Cotonou a mené des plaidoyers afin que l’argent devant servir à la restauration de l’environnement soit décaissé pour qu’on puisse entamer les activités de sauvegarde et de restauration de cet environnement. Ce qui n’a jusqu’ici pas été fait. Et les résultats sont là. «Le service des Eaux et forêts de Kédougou qui avait sanctionné Mdl d’une amende de 36 millions de francs pour avoir déraciné des arbres d’une espèce rare a été dessaisi du dossier», déplore un acteur du développement local à Kédougou. De quoi augmenter la frustration des populations et rendre la cohabitation entre les sociétés minières et les populations exécrables.
D. MINE (Envoyé Spécial) et Abdou K. NDIAYE
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