Commandant Ibrahima Sané, lieutenant de Salif Sadio : ‘ L’Etat doit considérer la Casamance comme une partie du Sénégal’

La branche la plus radicale de la rébellion casamançaise semble s’inscrire dans une nouvelle dynamique de paix dans la région Sud du Sénégal. C’est ce que laisse entendre Ibrahima Sané, un des lieutenants de Salif Sadio qui, dans un entretien qu’il nous a accordé, demande à l’Etat de considérer la Casamance comme une partie du Sénégal et déclare faire confiance au président Wade pour une sortie définitive de la crise.

ZIGUINCHOR - Il était considéré comme un des plus radicaux du maquis du Mfdc. Mais aujourd’hui, celui qui se fait appeler ‘Commandant Ibrahima Sané’ semble être dans de nouvelles dispositions. Dans un entretien qu’il nous a accordé, ce proche de Salif Sadio n’a pas hésité à demander à l’Etat de considérer la Casamance comme une partie du Sénégal. Un ‘nouveau’ statut qui exige cependant des investissements massifs, ainsi que le reconnaît ce chef rebelle du Fogny qui a toutefois tenu à préciser : ‘Je ne peux pas parler au nom de tout le maquis. Pour notre part, au niveau du Fogny, nous sommes dans une nouvelle dynamique, celle de la paix. Et pourtant, nous, proches de Salif Sadio, nous étions considérés comme les plus radicaux de la branche armée du Mfdc. C’est vrai qu’avant, il était difficile de nous approcher parce qu’on restait méfiants, compte tenu de toutes les trahisons que nous avons connues dans le temps. Ce qui a fait de nous des sanguinaires. Aujourd’hui, les choses ont changé. Tout ce que nous voulons c’est la paix’. Et de prendre un engagement, celui ‘de tout faire pour qu’il n’y ait plus de braquage dans le Fogny. Tant que je suis en vie, il n’y aura plus de braquage dans cette zone du département de Bignona’.

Le ‘Commandant Ibrahima Sané’ est d’avis ‘que les populations ont plutôt besoin de protection’. Seulement, avoue-t-il, ‘je comprends ceux qui s’adonnent aux braquages. Très souvent, ces braquages sont une réaction. C’est souvent des mécontents qui le font parce que très souvent, quand l’argent arrive, ce sont les chefs qui se le partagent. Les gosses qui sont souvent oubliés dans le partage, n’ont quelquefois d’autres alternatives que de faire des braquages pour avoir quelque chose’. Pour autant, il considère que ‘c’est un comportement répréhensible que je condamne avec la dernière énergie. C’est vrai que nous aussi, on le faisait dans le temps, mais aujourd’hui, nous avons fini de comprendre que la population a trop souffert à cause de nos agissements’.

A la question de savoir que faire pour mettre un terme à cette guerre en Casamance, le proche collaborateur de Salif Sadio est formel : ‘La solution est entre les mains du gouvernement. Il suffit simplement de mener une politique équitable pour arriver à la paix.’ Il se fera ensuite plus précis : ‘Nous demandons plus de considération pour la Casamance. Regardez ce qu’il y a à Dakar. Toutes les infrastructures sont là-bas. Les usines, les bonnes routes, les échangeurs, etc. J’y étais il y a quelque temps et je suis rentré, conforté dans ma conviction que la Casamance est oubliée, marginalisée. Pourquoi ne pas investir autant dans cette région ? Je pense que la Casamance doit être considérée comme une partie du Sénégal. Par conséquent, elle doit bénéficier des mêmes avantages que Dakar, avoir des routes, des échangeurs, des usines pour que les gens puissent travailler et vivre.’

Le ‘Commandant Ibrahima Sané’ se déclare d’ailleurs ‘prêt à déposer les armes et à désarmer tous les combattants qui se réclament de moi et, par conséquent, de Salif Sadio si cette doléance est prise en charge par le gouvernement. Nous demandons simplement aux autorités de faire beaucoup d’efforts dans la réhabilitation de la Casamance. Nous devons oublier tout ce qui s’est passé et travailler à l’unité’. Et pour cela, il précise ‘faire confiance au chef de l’Etat’. Selon lui, quand Wade disait qu’il allait régler le problème en cent jours, ‘il pouvait le faire. Mais il est entouré de bandits et d’opportunistes qui annihilent tous ses efforts en direction de la paix’. Qui sont donc ces fossoyeurs de la paix ? Réponse du lieutenant de Salif Sadio : ‘Certains sont au sommet de l’Etat ou parmi les cadres casamançais, d’autres sont là comme Moustapha Bassène. Ce dernier fait partie des véritables fossoyeurs de la paix. Il se met au-devant de la scène alors qu’il ne représente rien du tout. Il faut l’arrêter, sinon, nous, on le fera. Beaucoup de gens se nourrissent de ce conflit. Ils construisent des maisons, se promènent avec des mallettes d’argent, dorment dans des hôtels. Nous ne sommes pas là, mais, nous sommes au courant de tout. Il faut que cela cesse’. Pour cela, soutient-il, ‘il faut que le chef de l’Etat ouvre des négociations avec les différentes composantes du Mfdc, y compris les responsables du front Sud que sont César Attoute Badiatte, Antoine Diamacoune, Damien, Daouda et les autres. Nous avons fait trop de mal comme ça à nos populations’.

Sa démarche a-t-elle reçu la caution de son chef, Salif Sadio ? Le ‘Commandant Ibrahima Sané’ n’est pas si tranché que cela quand il se contente de répondre : ‘Je suis dans un dispositif, donc, je ne peux pas entreprendre une initiative unilatérale. Mais, je ne peux rien dire sur Salif Sadio. Il y a beaucoup de spéculations sur lui. Je n’en dirai pas plus, parce qu’il s’agit d’un sujet tabou pour nous. Chez nous, certaines choses ne se divulguent pas. C’est ce qu’on nous apprend dans le ‘Bukut’ (initiation en pays diola, Ndlr). C’est pourquoi je refuse d’entrer dans ce débat. De toute façon, sachez que le Fogny est prêt à déposer les armes, mais auparavant, il faut ouvrir des négociations franches et sérieuses. Aujourd’hui, c’est une opportunité qu’on offre au gouvernement, parce qu’avant, il était quasi impossible d’avoir un contact avec le camp de Salif Sadio’.