
Une semaine après la visite du président Wade en Gambie pour demander le soutien de Banjul contre la rébellion, des personnes proches du dossier élèvent la voix et soutiennent qu’à quelques mois des élections, Wade qui, a tant tâtonné dans le règlement du conflit, se floue encore.
Après 11 ans à la tête du pays, le président Wade qui envisageait de régler le problème de la Casamance en cent jours semble s’embourber davantage dans le dossier. Son voyage en Gambie pour demander l’aide du président Jammeh en est une illustration. En effet, à quelques mois de l’élection présidentielle, l’octogénaire, qui reconnaît ainsi ses limites, tente de changer de stratégie. Il essaye cette fois d’aller vite pour régler un conflit qu’il a pourtant mal géré, depuis 10 ans et de manière égocentrique.
Pour beaucoup d’observateurs proches du dossier, il est clair que Wade continue de toujours gérer cette crise dans l’amateurisme. ‘Nous avons tiqué quand nous avons entendu le président Wade dire qu’il a trouvé un nouveau programme dénommé : ‘Armes contre travail et nourriture’. Depuis ce jour, nous avons compris que Wade n’a rien compris du dossier casamançais. Car comment peut-on soutenir échanger les armes contre la nourriture dans une région comme la Casamance. C’est parce que Wade n’a pas compris que le problème est plus profond que cela’, soutient un ancien cadre de la Casamance.
Le choix de la période pour demander l’aide à Jammeh pose aussi problème, selon cet observateur. ‘Le président Wade est parti en Gambie au moment où il y a encore une accalmie dans la région Sud. L’armée et la rébellion semblent avoir trouvé un cessez-le-feu. Et malheureusement, il y a de forte chance que la violence revienne après ce passage de Me Wade, la déclaration du président Jammeh et la réponse du camp de Salif Sadio’, lance notre homme.
Pour toutes les personnes proches du dossier que nous avons approchées, Wade est en phase de jouer son va-tout dans ce dossier. En effet, le président de la République, qui a remis en cause le système de négociation mis en place par son prédécesseur aussitôt après son élection, modifiant le fonctionnement du processus, semble avoir éloigné la paix. Son premier discours sur le dossier a été un peu plus étrange. ‘Dès mon arrivée, j’ai pris la décision d’écarter tous les intermédiaires. C’est un problème national et j’interdis aux étrangers d’y interférer. Chaque chose en son temps. Il faut d’abord sécuriser les frontières. Dans une deuxième phase, j’entamerai des discussions avec les chefs militaires de la rébellion’, disait Wade au stade Léopold Sedar Senghor, le jour de son investiture.
Aujourd’hui, ironie du sort, c’est vers ces mêmes étrangers qu’il se tourne pour chercher de l’aide. Ces personnes proches du dossier soutiennent, cependant, que Wade fait fausse route encore dans sa démarche. ‘Mais, aujourd’hui, le dossier a pris une tournure beaucoup plus complexe. Les relations entre les rebelles et les voisins telles que la Gambie et la Guinée ne sont plus comme avant. Depuis que Yaya Jammeh arrête et emprisonne les rebelles pour accointance avec l’opposition, le maquis évite son territoire’, déclare ce technicien d’une Ong qui travaille entre les deux pays. Dans un entretien, le chargé du programme de cette Ong prouve que le président doit envisager de véritables pourparlers avec toutes les franges de la société sur ce dossier.
‘Pour le moment Jammeh ne doit pas être son arme. Il est allé chercher plus loin ce qu’il peut trouver plus près. Il y a un préalable à tout et chaque parti doit avoir son rôle à jouer dans ce dossier. Pour nouer des contacts avec la rébellion et enclencher un dialogue, Wade ne peut trouver mieux que les Casamançais. Les négociations de Foundiougne 1 l’ont pourtant dit : il faut des négociations inter-Mfdc et des assises inter-casamançaises avant tout pour parler avec le gouvernement. Les armes, comme le pense Jammeh, ne régleront rien’, pense ce proche de l’Eglise.
Impliquer l’Eglise du Sénégal
En allant en Gambie Wade ignore royalement l’Eglise qui s’est investie depuis 1992 dans le dossier et qui redemande encore une implication dans le dossier. L’Eglise du Sénégal, qui prône aujourd’hui encore le dialogue, a apporté très tôt des solutions à la crise casamançaise. L’Eglise avait demandé à l’évêque de Ziguinchor en son temps de créer un comité chrétien de négociation. Un comité épiscopal avait été mis en place en 1992 qui avait permis de convaincre des chefs rebelles de déposer les armes. Ensuite mettant à profit le cousinage entre Sérères et Diolas, l’Eglise a été déterminante dans la tenue des assises de Foundiougne.
Enfin pour se rapprocher de Salif Sadio, qui semble être l’un des obstacles au processus de paix, selon Wade, à côté de Nkrumah Sané, le chef de l’Etat sénégalais n’a pas besoin d’aller en Gambie. Le chef rebelle maintien, non seulement, des relations très étroites avec les chefs de l’Eglise, mais il y a des personnes à qui Salif Sadio vouent un respect total. ‘On peut citer, entre autres, Yaya Diatta, ancien directeur du projet des volontaires et chef d’un projet de l’Usaid. Yaya a été professeur de Salif Sadio. Il a été une référence pour le chef rebelle. Il peut être d’un apport important pour ramener Salif Sadio à la table de négociation’, informe un cadre de Bignona.
Najib SAGNA
0 Commentaires
Participer à la Discussion