
S’il y a un bâtiment qui ne manquera pas de figurer dans les annales de
l’histoire politique récente du pays, c’est bien l’immeuble Tamaro. Avec
la défaite des Libéraux, cette résidence de 11 étages a perdu son grand
locataire Karim Wade, jadis super ministre de la République avec la
bénédiction de son père. Ambiance de déménagement.
C’est un coin cossu célébré par une ex-«éminence grise» du gouvernement
sénégalais. Ni enseigne, ni le moindre fanion officiel n’indique le
ministère d’un super ministre. A travers les fines feuilles des
cocotiers de la devanture de l’immeuble, seule l’indication cimentée
«Résidence Tamaro» est décodable. Elle dénomme un imposant bâtiment de
11 étages à la façade extérieure dorée, jouxtant la rue Mohamed V. Il y a
une semaine, il faisait office de ministère de la Coopération
internationale, des Infrastructures, du Transport aérien et de l’Energie
dirigé par Karim Wade. Ce qui n’avait pas manqué de faire le bonheur
decertains tenants de petits métiers à Dakar-Plateau. C’est le cas de
Woury. Dans son échoppe, des chaussures et bouteilles de colle
s’entremêlent. Il manie un entre-fil à coudre ocre. La mine de ce jeune
cordonnier n’est point ravie. Il a constaté une baisse de la clientèle.
Ses modestes recettes journalières ont commencé à souffrir du départ
imminent de Karim Wade, le plus grand locataire de la résidence Tamaro.
Par souci de paraître élégant, nombreux ont été hommes et femmes qui
ciraient leurs chaussures chez Woury avant d’y accéder. «Mais j’ai
constaté une baisse des clients, depuis quelques jours», rumine-t-il. Il
s’en remet à Dieu. En ce moment, les vigiles des commerces voisins
palabrent sans beaucoup de soucis. Le trafic est libéré. Ceux du jadis
ministère de la Coopération internationale, des Infrastructures, des
Transports aériens et de l’Energie peuvent perdre en vigilance. Plus de
cylindrés garés sur la chaussée. Le courrier officiel ne leur parvient
plus. L’ambiance est mourante à la devanture du fameux immeuble.Les
mendiants-squatteurs ont disparu. On ne guette plus l’arrivée de Karim
pour le caresser dans le sens du poil, histoire de lui soutirer quelques
billets de banque. C’est la fin d’une ère…prospère.
Les Mendiants regrettent déjà Karim
«La rue ne désemplissait pas de dames mendiantes scandant les louanges
de Karim Wade. Des femmes étaient là à guetter l’arrivée ou le départ de
Karim Wade pour chanter ses éloges. Ce dernier ne manquait jamais de
dégainer quelques billets de banque», raconte un agent de sécurité.
Au moment du partage, des bagarres ne manquaient pas. A maintes reprises
d’ailleurs, le ministère en a été le théâtre d’affrontements. Le
cordonnier Woury se rappelle des querelles de borne fontaine auxquelles
il a assisté depuis que Karim Wade a pris ses quartiers à la résidence
Tamaro : «Il y a quelques mois, des échauffourées entre militants
libéraux (venus de Podor) ont commencé à l’intérieur. Les coups de poing
étaient violents.»
Il est 11H 12mn. Le soleil darde ses doux rayons sur Dakar-Plateau.
Piétons et automobilistes se disputent la chaussée. Au rez-de-chaussée
de l’immeuble Tamaro servant de salle d’attente, les gendarmes
maintiennent le même dispositif sécuritaire.
Désormais, le regard est moins inquisiteur, même si on y accède que par
rendez-vous. On continue d’agir sur consigne. Les services de Karim Wade
accueillent les derniers visiteurs. Soudain, un bonhomme en costard
descend de l’ascenseur des paquets entre les mains. Puis un autre avec
un casier ouvert. Ceci laisse apparaître des cachets, des marqueurs et
d’autres accessoires de bureau. Il le dépose dans un 4×4 avant de
regagner l’intérieur. Le déménagement est inévitable. Et la Génération
du Concret d’en perdre un grand’place. «Il était finalement ordinaire de
rencontrer ici un responsable libéral. J’apercevais régulièrement Bara
Gaye (attaché de Cabinet de Karim et leader national des jeunesses
travaillistes et libérales) ici et d’autres délégations monter les
escaliers. L’immeuble a plusieurs entrées. Les techniciens de surface
empruntent une porte dérobée. Dès que celle-ci est ouverte, on bute sur
un vigile. Il se concentre sur son registre.» Interrogé sur la gestion
de l’immeuble, ce quinquagénaire nous renvoie à l’agence immobilière.
«Le gérant de la résidence a voyagé. Mais l’assistante de l’Agence vient
de partir», renseigne-t-il. Un de ses collègues revient du garage
souterrain de l’immeuble. Là-bas, un rutilant véhicule manquera à
l’appel à jamais, celui de Karim Wade.
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