
Et si la justice traditionnelle s’immisçait dans ce dossier qui a tenu en haleine le pays tout entier pendant un mois. C’est l’alternative, un temps envisagée, par les proches de François Mancabou après son décès. Pour tenter d’avoir ample précisions sur ce rituel consistant à faire parler le mort chez les Mancagnes, Seneweb s’est rapproché de Mouhamadou Nissire Sarr, enseignant chercheur au département d’histoire à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD).
Arrêté en marge de la manifestation interdite de la coalition Yewwi Askan Wi, le 17 juin 2022, François Mancabou a rendu l’âme le 14 juillet dans des circonstances qui restent pour le moment troubles. Au lendemain du décès annoncé du mis en cause, le procureur de la République avait invité la presse pour livrer la version officielle de ce décès. « Contrairement aux autres inculpés qui ont gardé le calme, le susnommé a violemment cogné le mur et les grilles de la cellule de détention. Les enquêteurs disposent d’images vidéo de 13 minutes qui seront déposées dans le cadre de l’enquête qui sera conduite », a-t-il expliqué. Un récit qui n’a pas convaincu la famille qui campe sur la thèse de la torture. Dans un entretien accordé à Seneweb le 15 juillet, Raymond Zalé, proche de François Mancabou, affirmait que la communauté Mancagne allait « réagir » si la lumière n'était pas faite sur la mort de leur « frère ». Lors d’un point de presse des avocats de la famille de François Mancabou, tenu le 5 août dernier, le même Raymond Zalé, porte-voix de la famille du défunt, réclamait que la dépouille leur soit restituée pour procéder à son enterrement tout en précisant que : « pour ceux qui ne connaissent pas les Mancagnes, un corps détenu pendant 10 à 15 jours, nous ne pouvons plus avoir ce que nous voulons traditionnellement ». Une indication qui peut sembler étrange pour le citoyen lambda mais pour le regard éclairé, le lien est tout de suite fait avec l’interrogatoire du mort.
Pratique commune chez les peuples des rivières du sud
Ce rite ne pouvant plus être effectué dans le cadre de l’affaire François Mancabou, selon les raisons susmentionnées, mais aussi parce que sa famille a procédé à son inhumation, il serait important de se pencher sur cette pratique traditionnelle. Enseignant-chercheur au département d’histoire à l’UCAD, Mouhamadou Nissire Sarr brandit la thèse d’Amadou Fall intitulée : « La conception de l’être et de l’au-delà en Egypte pharaonique et chez les peuples des rivières du sud ». L’auteur donne un exemple de l’interrogatoire du mort chez la communauté Baïnouk en précisant que ce rituel est commun aux peuples des rivières du sud où l’on retrouve, en plus des Baïnouk, les Balante, les Diola et les Mancagnes. La cérémonie débute par une chasse au trésor où le défunt, sur demande du questionneur (prêtre funéraire), recherche dans la forêt un objet lui appartenant. « Porté sur une claie (treillage en bois) par des membres de sa famille, généralement 2, le mort doit retrouver l’objet. S’il y parvient, c’est qu’il est toujours possesseur de son âme car, c’est elle qui a guidé ses pas vers l’endroit où était caché l’objet. Si l’inverse se produit, c’est que son âme a été dévorée par un sorcier mangeur d’âme », révèle Amadou Fall dans son ouvrage. Ainsi, le défunt assis à même le sol et soutenu par des bois fourchus préside la cérémonie funéraire nocturne. Torche à la main, le questionneur invite le mort à lui désigner le sorcier. La cérémonie funèbre se poursuit jusqu’à ce que le coupable soit désigné. Les questions posées lors de cet interrogatoire chez les Baïnouk sont : Avez-vous désobéi à Dino ou aux esprits ? Avez-vous tué par le passé un homme dont l’esprit est revenu se venger ? Le coupable est-il parmi nous ? Peux-tu le désigner ? Si la réponse est oui, le brancard, porté généralement par 2 ou 4 solides gaillards, avance vers l’individu qui fait office de prêtre l’instant du rituel funèbre. « Si la réponse est non, le brancard recule toujours poussé par une force « purificatrice » donnée par Dino (dieu créateur chez les Baïnouk) à la communauté pour expurger de celui-ci toute idée d’impureté », indique l’auteur. Cependant, il peut arriver que le cercueil refuse d’avancer et fasse des cabrioles lorsque les questions sont ambiguës.
L’interrogatoire chez les Bona de la Côte d’Ivoire
Lui aussi, ayant travaillé sur la question par le biais d’une thèse soutenue en 1992 « La mort en Egypte pharaonique et en Afrique noire : Études comparées », Mouhamadou Nissire Sarr révèle que le rituel de l’interrogatoire du mort est rencontré de l’Angola jusqu’à la boucle du Niger, de la côte atlantique jusqu’au pays Moussi notamment chez les Diola de la Casamance, le Mossi de la Haute-Volta, les Agni de la Côte d’Ivoire. Concernant le dernier pays cité, un autre peuple fait recours à ce rituel : Les Bona. « Le mort est interrogé par ses pairs, c’est-à-dire par les membres de son lignage dotés de compétences occultes susceptibles de leur permettre d’interpréter les mouvements du mort et celui-ci doit répondre aux questions qu’on lui pose », indique l’enseignant chercheur sénégalais. Le mort est soumis à un interrogatoire au cours duquel, 4 types de questions sont posées : « Si tu connais qui t’a tué recule puis avance. Si ce que tu dis est vrai, remercie les hommes qui sont présents ». Le mort, à partir de ce moment, peut s’exécuter. S’il cogne quelqu’un dans l’assistance, ils en déduisent que celui-ci est responsable de son décès. Si par contre, il se rend auprès d’un tas de café, il indique par là que le conflit est né au sujet de plantation de café où d’un bénéfice mal partagé. « Mais, il peut arriver que le mort refuse de répondre aux questions dans de tels cas, on le provoque en l’insultant ou en l’accusant. Si les gestes qu’il exécute ne sont pas clairs, les Bona pensent qu’il est enchaîné par un mangeur d’âme qui l’empêche de voir clair et de révéler la vérité. Devant une telle situation, on fait recours au prêtre divin, au guérisseur qui sont capables de révéler les actes malfaisants du sorcier », raconte le spécialiste.
« L’une des idées qui s’impose en Afrique, c’est que la mort n’est jamais naturelle »
Cette recherche constante des circonstances de la mort dans les sociétés africaines découlerait d’une croyance commune. Mouhamadou Nissire Sarr souligne que l’une des idées qui s’impose en Afrique, c’est que la mort n’est jamais naturelle, elle est toujours due à l’intervention des forces dites « dissolvantes ». Un avis corroboré par Louis Vincent Thomas : « punition d’une faute, action du fétiche, résultat du maléfice (du sorcier mangeur d’âme) et vengeance de l’ennemi. Le groupe social secoué par l’irruption de l'événement vise avant tout à cerner le désordre, le limiter, le rétrécir pour le reporter sur le cadavre et l’éliminer avec lui. Par ce biais, il élabore tout un ensemble de stratégies rituelles dont l’objectif est de se débarrasser du mort et d’étouffer le malheur jusqu’à sa disparition complète ».
Un constat que l’on retrouve aussi chez les Baïnouk, d’après Amadou Fall, qui voient en l’interrogatoire une manière « stéréotypée » de connaître les raisons profondes et parfois invisibles de la mort de l’individu. « Celles-ci ne sont généralement connues que par les esprits et l’âme du défunt. Le mort peut s’élever du désir ardent de rejoindre les mânes des ancêtres. Chez l’homme bien, savant ou populaire, elle peut être l’œuvre du sorcier ou de manœuvres perfides d’un ennemi qui peut procéder par empoisonnement », ajoute le chercheur qui précise que la conviction la plus forte, chez ce peuple est que la mort découle de l'attitude désobligeante ou de graves fautes soumises sur un très puissant fétiche.
Arrêté en marge de la manifestation interdite de la coalition Yewwi Askan Wi, le 17 juin 2022, François Mancabou a rendu l’âme le 14 juillet dans des circonstances qui restent pour le moment troubles. Au lendemain du décès annoncé du mis en cause, le procureur de la République avait invité la presse pour livrer la version officielle de ce décès. « Contrairement aux autres inculpés qui ont gardé le calme, le susnommé a violemment cogné le mur et les grilles de la cellule de détention. Les enquêteurs disposent d’images vidéo de 13 minutes qui seront déposées dans le cadre de l’enquête qui sera conduite », a-t-il expliqué. Un récit qui n’a pas convaincu la famille qui campe sur la thèse de la torture. Dans un entretien accordé à Seneweb le 15 juillet, Raymond Zalé, proche de François Mancabou, affirmait que la communauté Mancagne allait « réagir » si la lumière n'était pas faite sur la mort de leur « frère ». Lors d’un point de presse des avocats de la famille de François Mancabou, tenu le 5 août dernier, le même Raymond Zalé, porte-voix de la famille du défunt, réclamait que la dépouille leur soit restituée pour procéder à son enterrement tout en précisant que : « pour ceux qui ne connaissent pas les Mancagnes, un corps détenu pendant 10 à 15 jours, nous ne pouvons plus avoir ce que nous voulons traditionnellement ». Une indication qui peut sembler étrange pour le citoyen lambda mais pour le regard éclairé, le lien est tout de suite fait avec l’interrogatoire du mort.
Pratique commune chez les peuples des rivières du sud
Ce rite ne pouvant plus être effectué dans le cadre de l’affaire François Mancabou, selon les raisons susmentionnées, mais aussi parce que sa famille a procédé à son inhumation, il serait important de se pencher sur cette pratique traditionnelle. Enseignant-chercheur au département d’histoire à l’UCAD, Mouhamadou Nissire Sarr brandit la thèse d’Amadou Fall intitulée : « La conception de l’être et de l’au-delà en Egypte pharaonique et chez les peuples des rivières du sud ». L’auteur donne un exemple de l’interrogatoire du mort chez la communauté Baïnouk en précisant que ce rituel est commun aux peuples des rivières du sud où l’on retrouve, en plus des Baïnouk, les Balante, les Diola et les Mancagnes. La cérémonie débute par une chasse au trésor où le défunt, sur demande du questionneur (prêtre funéraire), recherche dans la forêt un objet lui appartenant. « Porté sur une claie (treillage en bois) par des membres de sa famille, généralement 2, le mort doit retrouver l’objet. S’il y parvient, c’est qu’il est toujours possesseur de son âme car, c’est elle qui a guidé ses pas vers l’endroit où était caché l’objet. Si l’inverse se produit, c’est que son âme a été dévorée par un sorcier mangeur d’âme », révèle Amadou Fall dans son ouvrage. Ainsi, le défunt assis à même le sol et soutenu par des bois fourchus préside la cérémonie funéraire nocturne. Torche à la main, le questionneur invite le mort à lui désigner le sorcier. La cérémonie funèbre se poursuit jusqu’à ce que le coupable soit désigné. Les questions posées lors de cet interrogatoire chez les Baïnouk sont : Avez-vous désobéi à Dino ou aux esprits ? Avez-vous tué par le passé un homme dont l’esprit est revenu se venger ? Le coupable est-il parmi nous ? Peux-tu le désigner ? Si la réponse est oui, le brancard, porté généralement par 2 ou 4 solides gaillards, avance vers l’individu qui fait office de prêtre l’instant du rituel funèbre. « Si la réponse est non, le brancard recule toujours poussé par une force « purificatrice » donnée par Dino (dieu créateur chez les Baïnouk) à la communauté pour expurger de celui-ci toute idée d’impureté », indique l’auteur. Cependant, il peut arriver que le cercueil refuse d’avancer et fasse des cabrioles lorsque les questions sont ambiguës.
L’interrogatoire chez les Bona de la Côte d’Ivoire
Lui aussi, ayant travaillé sur la question par le biais d’une thèse soutenue en 1992 « La mort en Egypte pharaonique et en Afrique noire : Études comparées », Mouhamadou Nissire Sarr révèle que le rituel de l’interrogatoire du mort est rencontré de l’Angola jusqu’à la boucle du Niger, de la côte atlantique jusqu’au pays Moussi notamment chez les Diola de la Casamance, le Mossi de la Haute-Volta, les Agni de la Côte d’Ivoire. Concernant le dernier pays cité, un autre peuple fait recours à ce rituel : Les Bona. « Le mort est interrogé par ses pairs, c’est-à-dire par les membres de son lignage dotés de compétences occultes susceptibles de leur permettre d’interpréter les mouvements du mort et celui-ci doit répondre aux questions qu’on lui pose », indique l’enseignant chercheur sénégalais. Le mort est soumis à un interrogatoire au cours duquel, 4 types de questions sont posées : « Si tu connais qui t’a tué recule puis avance. Si ce que tu dis est vrai, remercie les hommes qui sont présents ». Le mort, à partir de ce moment, peut s’exécuter. S’il cogne quelqu’un dans l’assistance, ils en déduisent que celui-ci est responsable de son décès. Si par contre, il se rend auprès d’un tas de café, il indique par là que le conflit est né au sujet de plantation de café où d’un bénéfice mal partagé. « Mais, il peut arriver que le mort refuse de répondre aux questions dans de tels cas, on le provoque en l’insultant ou en l’accusant. Si les gestes qu’il exécute ne sont pas clairs, les Bona pensent qu’il est enchaîné par un mangeur d’âme qui l’empêche de voir clair et de révéler la vérité. Devant une telle situation, on fait recours au prêtre divin, au guérisseur qui sont capables de révéler les actes malfaisants du sorcier », raconte le spécialiste.
« L’une des idées qui s’impose en Afrique, c’est que la mort n’est jamais naturelle »
Cette recherche constante des circonstances de la mort dans les sociétés africaines découlerait d’une croyance commune. Mouhamadou Nissire Sarr souligne que l’une des idées qui s’impose en Afrique, c’est que la mort n’est jamais naturelle, elle est toujours due à l’intervention des forces dites « dissolvantes ». Un avis corroboré par Louis Vincent Thomas : « punition d’une faute, action du fétiche, résultat du maléfice (du sorcier mangeur d’âme) et vengeance de l’ennemi. Le groupe social secoué par l’irruption de l'événement vise avant tout à cerner le désordre, le limiter, le rétrécir pour le reporter sur le cadavre et l’éliminer avec lui. Par ce biais, il élabore tout un ensemble de stratégies rituelles dont l’objectif est de se débarrasser du mort et d’étouffer le malheur jusqu’à sa disparition complète ».
Un constat que l’on retrouve aussi chez les Baïnouk, d’après Amadou Fall, qui voient en l’interrogatoire une manière « stéréotypée » de connaître les raisons profondes et parfois invisibles de la mort de l’individu. « Celles-ci ne sont généralement connues que par les esprits et l’âme du défunt. Le mort peut s’élever du désir ardent de rejoindre les mânes des ancêtres. Chez l’homme bien, savant ou populaire, elle peut être l’œuvre du sorcier ou de manœuvres perfides d’un ennemi qui peut procéder par empoisonnement », ajoute le chercheur qui précise que la conviction la plus forte, chez ce peuple est que la mort découle de l'attitude désobligeante ou de graves fautes soumises sur un très puissant fétiche.
24 Commentaires
Djibril Seck
En Août, 2022 (11:49 AM)Le Vrai
En Août, 2022 (12:01 PM)Le vrai.
Mystikal
En Août, 2022 (12:03 PM)tout musulman qui croit à ses trucs, ne serait ce que l'espace d'une seconde, à mécru.
le coran est clair: innaka laa tusmi ul mawtaa. wa ma ant bi musmi in man fil qubur
le mort ne s'exprimera que devant les anges dans sa tombe, et au jour du jugement dernier devant le seigneur.
Djibson
En Août, 2022 (20:30 PM)Reply_author
En Août, 2022 (07:11 AM)Senegal Rek
En Août, 2022 (12:04 PM)Fall
En Août, 2022 (12:14 PM)Diouf
En Août, 2022 (12:22 PM)On est croyants ou animistes il faut choisir
Lai
En Août, 2022 (12:34 PM)Benbougor
En Août, 2022 (12:45 PM)Maintenant, il est libre à chacun d'y croire ou pas. Moi j'ai eu l'occasion d'y assister plusieurs fois. Chez les Diolas de la basse Casamance (Diogué, Hitou et Niomoune), en Guinée-Bissau chez les Balantes, Mancagnes, et ensuite en Angola, ver Huambo, dans le sud du pays. En fait, le mode d'execution du rituel, de la pratique est à peu près similaire à ce qui est décrit dans ce texte. Mais, selon leur croyances, ils arrivent toujours à avoir une réponse à leur questionnement, soit elle peut être négative ou positive.
Reply_author
En Août, 2022 (17:10 PM)Je ne sais pas ce qu'ils ont fait de l'oncle.
Nous les muslmans, on ne fait pas ça. Si on veut vraiment savoir, on fait un istikhar.
Oussou Les Sous
En Août, 2022 (20:52 PM)Ben
En Août, 2022 (12:59 PM)Coalition Mancagne wolof diola ndiago soce lebous mouride animiste .
Rien n'arrivera a Macky nous l'avons preparer a Bokidiawe pour laver a l'eau du fleuve au fouta .
Aller travailler a rien voir .
circuler bande d'animistes
Seneweb
En Août, 2022 (17:05 PM)Oussou Les Sous
En Août, 2022 (21:18 PM)Cependant, il y en a celles qui foisonnent dans nos quotidiens et qui soignent et soulagent beaucoup de malades. Il peut en être ainsi du """MOTCHE""", du """FASSE""", du """BATCHE""", du """NDEUP""", etc sans compter les offrandes et sacrifices réguliers.
Ninki
En Août, 2022 (00:41 AM)Thiokk
En Août, 2022 (04:47 AM)Meissa
En Août, 2022 (11:20 AM)