
Le Sénégal vit des lendemains incertains concernant la lutte contre le VIH SIDA face à la rareté des financements. C’est dans ce contexte qu’est célébrée la journée mondiale de lutte contre le SIDA, ce 1er Décembre. Prétexte pour les personnes vivant avec le VIH d’alerter l’opinion sur la situation alarmante. Selon Amadou Moustapha Dia, président du Réseau national des associations de personnes vivant avec le VIH SIDA (RNP+), la gratuité des ARV est même remise en question. Entretien !
En tant que personne vivant avec le VIH, comment vivez-vous cette situation de rareté des financements ?
C’est avec beaucoup de difficultés que nous la vivons. Comme on le sait, la lutte contre le SIDA va de pair avec des financements. Il nous a été signalé que le principal bailleur du Sénégal dans la lutte contre le SIDA, qui est le Fonds mondial, risque de ne plus aider le Sénégal, et s’y ajoutent les quelques rumeurs qu’on entend, car il semblerait qu’il y ait des ministères qui se sont vu retirer leurs financements afin de mener des activités ciblées contre le VIH. Mais ce qui nous inquiète plus, c’est que, selon les nouvelles recommandations de l’OMS, la personne infectée au VIH doit être mise sous traitement aux antirétroviraux (ARV) à partir d’un taux de Cd4 de 350 et non plus 250. Ce qui signifie qu’il y a un surplus de personnes vivant avec le VIH qui doit être mis sous ARV. C’est un lourd fardeau qui pèse encore sur nous. Et devant un contexte de retrait des bailleurs pour la lutte contre le SIDA, alors que les autorités n’ont pas encore augmenté le budget alloué au SIDA, c’est une situation qui pose problème. Mais j’espère qu’avec les sensibilisations et les discussions, nous allons pouvoir amener l’Etat, les collectivités locales et le secteur privé à comprendre que c’est une priorité de s’investir contre le SIDA.
Est-ce que c’est ce qui explique votre crainte de perdre cette gratuité des ARV ?
Je pense qu’il y a même une crainte qui va au-delà du fait de perdre la gratuité de notre traitement sous ARV. En plus des ARV, on bénéficiait d’un accompagnement nutritionnel et psychologique. Et l’essentiel du financement pour cet accompagnement vient du budget du Fonds mondial. S’il se retire, comment allons-nous faire. J’en profite pour lancer un appel à l’Etat à qui il revient de prendre en charge la santé des citoyens. Nous l’invitons à mettre davantage d’argent dans le SIDA et qu’il négocie encore avec les partenaires pour qu’ils mettent la main. Je lance un appel aussi aux généreux donateurs de ce pays, il faudrait qu’ils pensent aussi à investir dans la lutte contre le SIDA parce que c’est une question de santé publique et de développement.
Les gens se trompent-ils alors quand ils pensent qu’il y a beaucoup d’argent dans le SIDA ?
C’est vrai que quand on parle du SIDA, les gens pensent à l’argent, à des milliards même. Cela doit nous pousser à une réflexion sur ce sujet. J’avoue que, de façon objective, ce que reçoit le VIH SIDA est loin de satisfaire les besoins de la réponse. On aurait dû recevoir le triple de nos financements, on ne réglerait pas encore les problèmes liés à cette maladie. Mais il faut qu’on se dise aussi la vérité. On a besoin de faire l’évaluation du financement du SIDA pour que tout soit clair. Il y a sur ce point des choses à corriger.
Comme quoi par exemple ?
Bon beaucoup de choses, mais je ne peux pas lancer des exemples comme ça dans le vif. En tant que réseau des associations de personnes vivant avec le VIH, nous sommes en train de préparer notre journée de réflexion sur la prise en charge le 3 décembre prochain et je ne voudrais pas anticiper les choses sur ces réflexions dont vous aurez les informations lors de cette journée. Cependant, nous nous félicitions du taux de prévalence du VIH très bas que nous avons au Sénégal (0,7%), mais cela ne signifie pas que nous devons dormir sous nos lauriers.
L’ANCS vient de lancer l’initiative « taxe SIDA », c'est-à-dire une ponction annuelle d’1% sur les salaires, qu’en pensez-vous ?
Je pense que c’est une bonne initiative. Nous saluons toute action qui va dans le sens d’augmenter et de pérenniser le financement du VIH. C’est la responsabilité de tout un chacun qui est engagée dans cette lutte contre le SIDA, surtout dans un contexte de diminution de l’aide internationale. Mais comme je le dis, il faut qu’on s’asseye pour évaluer les besoins et revoir la clé de répartition des fonds alloués au VIH.
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