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Fiche de lecture du Livre de Thierno Bocoum : «Gérer un drame, en tirer les leçons et savoir tourner la page»

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Fiche de lecture du Livre de Thierno Bocoum : «Gérer un drame, en tirer les leçons et savoir tourner la page»

Il n’aurait sans doute jamais pensé écrire un tel livre. Un père à l’assaut de la douleur comme en atteste le titre de l’ouvrage. Thierno Bocoum a donc décidé de se confier à l’écriture, pour noyer son chagrin. Il s’est aussitôt mis à dessiner, sur feuille blanche, les contours d’une douleur trop pesante pour être contenue dans un cœur de père. Père de famille, de surcroît élu parlementaire à l’Assemblée nationale. Il en est conscient : porter le deuil d’un enfant n’est pas chose aisée. Surtout lorsqu’on a été attaché à un petit ange qui, du jour au lendemain, est parti sur la pointe des pieds, s’est détaché de ce monde ici-bas, plongeant le couple Bocoum dans le désarroi et la tristesse. Un père à l’assaut d’une douleur qu’il lui faut combattre, de toutes ses forces, afin de prévenir un autre drame qui pourrait naître d’un ressentiment. D’un côté un fils, Vieux Barky qui tombe dans une fosse sceptique, à Thiès, et de l’autre une épouse, Coumba, enceinte de près de huit mois, en proie à des contractions. Pour dire que des soucis, Thierno en avait, Bocoum.

«Ce livre n’est pas un livre de psychologie»

Thierno le dit à qui veut l’entendre : il n’est pas le premier et ne sera pas le dernier à souffrir de la perte d’un être cher. Une épreuve qu’il a traversée et acceptée, grâce à la foi musulmane qui lui a permis de tenir, de ne pas sombrer dans la déprime. A la place, d’autres auraient pensé à l’alcool, à sombrer dans tout excès qui pourrait faire oublier, ne serait-ce un moment, ce mal qui le ronge au plus profond de lui-même. «Des drames, il y en a eu et il y en aura encore. De même que des pertes atroces», prévient d’emblée l’auteur, qui dit vouloir, à travers ce livre, «percer le mystère de ce qui m’a plongé dans une douleur accablante et qui m’a détaché, pendant plusieurs jours, de toutes les passions qui s’étaient cristallisées dans mon cœur durant tout mon parcours d’homme et de citoyen d’une nation».

Thierno Bocoum sait anticiper, il voit déjà venir la critique mais se veut clair et a tenu à en faire la précision: «Ce livre n’est pas un livre de psychologie. Il ne s’appuie pas sur la science, mais s’adosse sur un vécu et sur la pureté d’un ressentiment», écrit-il dans l’avant-propos du livre qu’il conçoit comme une thérapie, pour lui, pour ses proches et aussi pour toute personne qui, un jour, a été affectée par la perte d’un d’être cher.

Refuser que ce drame conditionne notre existence

«Je n’ai jamais accepté d’être dépendant de quoi que ce soit dans ma vie. J’ai toujours combattu la dépendance », confie le jeune auteur qui dit s’être «toujours débrouillé pour n’être dépendant de rien, ni du football, ni des séries télé, ni d’un oreiller ou d’un lit moelleux, ni du thé ou encore du café, ni de la cigarette – je n’ai jamais fumé dans ma vie – ni de l’alcool – je n’ai jamais bu de ma vie», énumère-t-il à la page 42 du livre. Car «Après avoir gagné plusieurs fois mes différents combats, je n’avais pas de doute que j’allais le remporter sur cette douleur dont je dépends et qui me faisait souffrir à tout moment».

Sa douleur à lui, aggravée lorsqu’il met en scène les dernières minutes de vie d’un enfant tenu prisonnier de la chaleur d’une fosse septique, un môme qui se débat jusqu’à rendre le dernier souffle. «Je souffrais également parce que j’imagine toute la souffrance qu’il a dû subir avant de rendre l’âme. Un enfant qui tombe dans une fosse septique sans aucune assistance, qui lutte avec ses forces limitées, la nuit dans la pénombre, dans la chaleur de la fosse jusqu’à rendre l’âme. Ce scénario m’était insupportable».

«Nous avons souvent la naïveté de croire que les malheurs n’arrivent qu’aux autres. Nous oublions souvent que les autres, c’est nous»

Ancien président de la commission comptabilité et contrôle de l’Assemblée nationale, membre du parti Rewmi dont il est le chargé de communication, Thierno Bocoum a appris, par ce drame, à désormais tout relativiser dans la vie, et à prendre ce malheureux évènement pour un nouveau départ. «Avec le décès de mon fils, c’est une partie de moi qui a été amputée, l’autre partie saigne abondamment. Il me faut des pansements, il me faut travailler à cicatriser la plaie, à faire mon deuil». Et aussi, assister gérer son épouse Coumba, «enceinte de près huit mois. Elle devait accoucher dans un mois. L’effet dévastateur d’un stress psychologique sur l’évolution d’une grossesse était un autre mal qu’il fallait gérer. J’ai mesuré tout le danger que nous courions», note-t-il, satisfait toutefois d’un accompagnement de personnes connues ou anonymes, « milliers de Facebookers qui envoyaient des messages de réconfort». Car c’est par le canal des réseaux sociaux, de Facebook, que Thierno Bocoum a choisi de publier un post, d’abord pour alerter après la disparition de son fils, ensuite pour informer de sa mort à Thiès chez ses parents, dans les conditions que l’on sait. Un choix qu’il dit assumer et dont l’objectif était, de couper court à toute rumeur. La disparition du fils d’un député, membre de l’opposition, peut être sujette à différentes interprétations surtout dans le contexte sénégalais très agité. Il lui fallait donc couper court aux rumeurs, et éviter toute spéculation sur le drame : «la disparition puis le décès de son fils peuvent conduire à beaucoup d’analyses et de supputations. Il fallait dire ce qui s’est réellement produit. Il est tombé dans une fosse, il fallait également faire comprendre qu’il s’agissait d’un accident. Dieu en a décidé ainsi», s'est-il résigné.

Mohamed, un gamin et des questionnements

A Thierno Bocoum, il  fallait également gérer la culpabilité qui ronge certains membres de la famille qui n’ont rien pu faire pour prévenir le drame. Leur faire comprendre qu’ils n’y étaient pour rien. «Notre rôle en tant qu’humain est de tout faire pour que l’après-drame ne soit pas un autre drame  (…) Quand un malheur nous est imposé, les moyens de le dépasser dorment en nous d’une semence fertile». Bocoum en est certain. Assez fort pour faire face, puisqu’il lui fallait, aussi, réconforter Mohamed, l’autre fils et aîné qui ne cesse de poser des questions au sujet d’un frère qui ne reviendra pas. Un Mohamed loin d’être satisfait des réponses d’un père qui peine à mettre des mots intelligibles pour le gamin qu’il est. «Papa, comment sais-tu que Vieux est au paradis ? Est-ce que tu l’as vu partir là-bas ?», demande-t-il, avec insistance.

Revoir les images du passé et ne pas comprimer la douleur

A ceux qui demandaient à Bocoum de retirer de Youtube ou de Facebook les vidéos dans lesquelles il était avec son fils, «j’ai toujours refusé de donner suite à leur demande. (…) Mon objectif a été de montrer à tous les pères de famille, à toutes les mamans que, quel que soit le degré de complicité que vous pouvez avoir avec votre progéniture, le malheur n’est jamais loin».

Pour lui, faire le deuil revient aussi à faire face, et être en mesure de regarder les images du passé (vidéos) : «Comprimer la douleur en ne pleurant pas et en évitant de voir des images rappelant le drame est simplement une bombe à retardement (…) il faut assumer la réalité, l’absorber et la dompter», conseille l’auteur à toute personne qui souhaite faire le deuil d’un être cher. Et aussi, se faire plaisir, et faire plaisir aux siens. «Le bonheur d’acquérir ce qu’on veut peut être hissé au rang de concurrent face au malheur d’avoir perdu ce qu’on ne souhaitait jamais perdre», pense-t-il, non sans donner quelques conseils à ses lecteurs, à la famille, aux voisins, amis et connaissances qui viennent réconforter une famille endeuillée: «Ceux qui discutent dans la maison mortuaire ne doivent jamais perdre de vue qu’il y a certains qui n’ont pas le cœur à la discussion », fait-il remarquer. D’où l’intérêt donc, dans la maison portuaire, d’ «éviter de rire aux grands éclats ou de parler trop fort». «Vouloir imposer un sujet sur, par exemple, le football ou la politique, pensant que ça va plaire, est une erreur, surtout dans les premiers jours du deuil (…). Il faut, dit-il à la page 92 du livre, éviter d’alourdir la peine de ceux qu’on veut consoler par des discussions, des sujets inutiles, des sujets mal à propos, un comportement qui frise parfois l’insouciance ou le dédain».

Le livre peut se refermer sur une note d’optimisme, avec la naissance, au quarantième jour du décès de Vieux Barky, d’une petite fille. Un bonheur que l’élu parlementaire et conseiller municipal à la Ville de Dakar partagera avec son entourage. En attestent les témoignages de ces centaines de personnes, amis proches ou anonymes qui, sur Facebook, par mail ou par téléphone, ont tenu à  féliciter, vivement, Thierno Bocoum, de nouveau père, cette fois-ci à l’assaut d’un bonheur incommensurable, après la naissance d’une petite fille.



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