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" Exhibit B" : une exposition à Paris remet les Noirs en cage, Reproduction D'un Zoo humain !

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" Exhibit B" : une exposition à Paris remet les Noirs en cage, Reproduction D'un Zoo humain !
L’exposition "Exhibit B", qui reproduit un zoo humain tel qu’il en existait en Europe au siècle dernier, refait escale en France, cet hiver. Une pétition appelle à son interdiction, au grand dam de son auteur, qui déplore une incompréhension.

C’est l’histoire d’une exposition qui fouille dans la mémoire sombre et dérangeante de l’époque coloniale européenne. L’histoire d’une performance artistique où des êtres humains, noirs, statiques, dénudés, enfermés dans des cages de verres, sont "exposés" au regard du public. C’est l’histoire d’"Exhibit B", un zoo humain, de passage à Paris, (re)créé par l’artiste sud-africain Brett Bailey pour dénoncer - à travers douze "tableaux vivants" - l’horreur d’un système qui, à une époque pas si lointaine, exposait des Noirs dans des foires pour divertir les Blancs.
"'Exhibit B' est une exposition très particulière. Une performance qui montre sans fard les zoos humains tels qu’il en existait à travers l’Europe entre 1850 et 1940", explique Pascal Blanchard, historien et spécialiste de l’empire colonial. À cette époque, on y exhibait des êtres humains, non pas pour ce qu’ils savaient faire mais pour ce qu’ils étaient. C’était une entreprise profondément raciste, un rapport de pouvoir entre colonisateurs et colonisés. Des hommes comme Barnum ou encore Buffalo Bill y ont exposé à des fins commerciales des Noirs mais aussi des Indiens, des Antillais, des Lapons, des gens difformes... En 1910, on y montrait même des Bretons que l’on prenait pour des sauvages !", explique-t-il.

Seulement voilà, "Exhibit B", programmé l'hiver prochain dans deux centres culturels parisiens, le Gérard Philipe*, et le CentQuatre**, déclenche l’ire de plusieurs associations, qui cherchent à obtenir son interdiction sur le territoire français. Triste ironie d’une exposition taxée de racisme alors même qu’elle entend le combattre... "Les spectateurs payent pour visiter un à un les Noirs […] Nous voulons exprimer notre opposition indignée à cet évènement […]", peut-on lire dans une pétition circulant sur internet.

 "Nous soutenons pleinement ce travail théâtral"

Outre-Manche, la même indignation avait conduit à la déprogrammation d’"Exhibit B" de la galerie Barbican à Londres, au mois de septembre. Un précédent inédit qui laisse pantois les deux théâtres parisiens. Et qui les inquiète. "En 2014, on s’est attaqué à l’œuvre de McCarthy, place Vendôme [considérée par certains comme un sex toy géant, NDLR], on s’en est pris à l’exposition 'Zizi sexuel', qui n’avait rencontré aucune polémique les années précédentes. Et maintenant, on s’attaque à ‘Exhibit B’ qui avait été très bien accueilli, l’an dernier. C’est alarmant…", s’agace Virginie Duval, responsable du service de presse du Centquatre.

En 2013, en effet, "Exhibit B" avait été programmé en France (au Centquatre et au Festival d’Avignon, notamment) et n’avait subi aucune pression ni souffert d’aucune pétition. Pour éviter de subir la même "censure" que le Barbican Center, les représentants des théâtres européens pro-Brett Bailey ont donc décidé, eux aussi, de se mobiliser. "En tant que directeurs artistiques, organisateurs et coproducteurs ayant vu le spectacle, nous soutenons pleinement ce travail théâtral qui est une critique des expositions coloniales et des zoos humains. Nous réfutons l’idée selon laquelle 'Exhibit B' serait la reproduction de ces spectacles de déshumanisation et d’exotisation. En aucun cas il ne s’agit là d’un projet artistique raciste mais bien évidemment du contraire […]", écrivent-ils dans une lettre ouverte.

Une exposition "intimement dérangeante"

Oui, "Exhibit B" dérange, reconnaissent tous les signataires. "Et c’est bien le but recherché !", ajoute Pascal Blanchard, déjà las de la polémique. "C’est intimement perturbant. C’est une exposition violente créée pour dénoncer la violence d’un autre temps", ajoute-t-il. Soit. Reste que le malaise persiste. Car parfois, le projet dérape. "Un groupe d’hommes s’est moqué de mes seins et de mon corps", a confié une "performeuse", lors d’une tournée en Pologne. "Ils n’avaient pas vu que j’étais un être humain, ils pensaient que j’étais une statue". Parfois aussi, la mise en scène incommode : le spectateur, appelé par un numéro pour entrer dans la salle d’exposition, "se retrouve seul face à l’Histoire, au temps des colonies. Croyez-nous, le choc est brutal", écrit un internaute qui a assisté à la performance l’année dernière, à Strasbourg.

© Espace culturel Centquatre pour France 24

Mais le sensationnalisme est-il un moyen pertinent pour dénoncer les pratiques inhumaines d’un autre temps ? Pour de nombreux citoyens européens, exhiber des Noirs en cage "pour faire réfléchir la population multiethnique sur le racisme, c’est pire que ridicule !", s’indigne, par exemple, John Mullen, un enseignant français signant une tribune dans "L’Obs".

Pour d’autres, c’est un acte philosophiquement dangereux. "Comment peut-on savoir que les spectateurs ne sont pas juste des Blancs curieux de voir des Noirs ?", s’interroge-t-on dans les colonnes du "Figaro". Comment être sûr que ce "spectacle" ne vient pas rassasier les adeptes d’une idéologie raciale abjecte ? "C’est une œuvre insultante, une grotesque parodie […] Si vous payez pour voir [Exhibit B], vous êtes alors de connivence avec le pire des régimes racistes […] Cette exposition est une insulte à nos siècles de lutte contre l'oppression raciale", écrit même, véhément, le professeur de sociologie britannique Kehinde Andrews, dans un éditorial du "Guardian".

"Des juifs tatoués et enfermés dans des camps artificiels"

Mais pour Pascal Blanchard, toutes ces craintes - compréhensibles - n’en restent pas moins stériles. "Y avait-il des gens pour vérifier ce qu’il se passait dans la tête des spectateurs venant assister à 'Nuit et brouillard' [documentaire d’Alain Resnais sur la Shoah, sorti en 1955] ?", répond-t-il aux détracteurs. "Dans une exposition de ce genre, il y aura toujours quelques personnes friandes de théories raciales suprématistes. On ne peut pas s’arrêter à leurs jugements. Je pense qu’il faut savoir montrer l’horreur pour mieux la déconstruire."

Le spécialiste de l’époque coloniale s’insurge surtout contre ceux qui ont mêlé la couleur de peau de l’artiste au débat. Pour le sociologue britannique Kehinde Andrews, Brett Bailey est "un Sud-Africain [blanc] qui a grandi dans un environnement qui a réprimé la majorité de ses habitants. Sa démarche est clairement maladroite. Il a grandi en tant que membre d’une minorité oppressive. Cela serait comparable à un Allemand qui souhaiterait organiser une performance 'artistique' avec des juifs habillés en prisonniers, tatoués sur les bras, enfermés dans un camp de concentration artificiel', ajoute-t-il dans le "Guardian".

Une justification méprisable, selon Pascal Blanchard. "Cette vision racialiste selon laquelle un Blanc ne peut défendre les Noirs est scandaleuse", s’emporte-t-il. "On ne peut pas laisser ce genre de pensée s’insérer dans la polémique. Je refuse que l’Histoire puisse se résumer à un triste sophisme : 'À chacun sa couleur, à chacun sa douleur, à chacun sa mémoire'."



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