Le site de l'ancien "tata" de l'Almamy Maba Diakhou BA à Nioro du Rip fait peau neuve, avec un institut islamique portant le nom de cette figure musulmane.
En plus de 150 ans, cet édifice a connu divers occupants, fonctions et transformations. De grandes figures religieuses et temporelles de Sénégambie y ont séjourné, à l'appel de l'Almamy du Rip ou de leur propre dessein de promouvoir l'islam.*
DE LA ZIARRA À L'HISTOIRE
La ziarra annuelle de Nioro du RIP des 14 et 15 février, dédiée à Mamour Ndary BA (1824-1889) et aux compagnons du jihad de l'Almamy Maba (1809-1867), a coïncidé avec la finition des travaux de cet institut.
Construit dans le quartier Nuurulaah (la lumière de Dieu en langue arabe), cœur historique de la localité, l'institut est implanté dans ce qui reste du "tata" .
Il comprend, dans une première livraison de travaux, des salles de classes, des services administratifs, des magasins, des locaux d'hébergement et de restauration. Il devrait prochainement abriter un internat, selon ses initiateurs. Des pièces ont été construites sur une aile de l'édifice. Elles doivent servir d’échoppes dont le loyer devrait contribuer à la gestion du complexe.
Celui-ci est d'un coût estimatif de 350 millions FCFA financés par des autorités étatiques dont les ex-présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall, des chefs religieux et des fidèles musulmans. La première pierre de cet édifice privé a été posée en 2015 par Serigne Mountakha Bachir Mbacké, alors deuxième personnalité du mouridisme et actuel khalife de cette confrérie musulmane.
70 SOURATES YA SIN PAR 70 PERSONNES
Le " tata" , appelé également " sangué " en langue ouolof, est une enceinte fortifiée. Ce moyen de défense collective a été initié au début du jihad en 1861 par Maba, porteur d’un mouvement de réforme sociale, ayant impliqué une contestation de l’influence française coloniale, sous la bannière de l’islam. Le lieutenant Chaudron rapporte dans une étude sur le cercle de Nioro datée de 1901. " En un mois, aidé des habitants de tout le pays, il (Maba) créé un tata à Nioro ", écrit cet officier de l'infanterie coloniale française dont la version est corroborée par des récits oraux. La construction a été précédée de l'observation d'un rituel musulman. Soixante-dix fidèles ont chacun récité la sourate YAASIN , la 36e du Coran, a écrit le défunt historien Mamour Atta BA, un petit-fils de l'Almamy BA, dans une note conservée dans ses archives personnelles.
" C'était une forteresse en pierre latéritique, avec deux entrées et un grand portail pour faire entrer les troupes et les chevaux "_ , affirme le nonagénaire Mamour Ndiogou BA, actuel khalife de la famille de Maba, se fondant sur des témoignages d'anciens. Il est né dans le "tata" alors habité par sa famille. Des pans de murs de la forteresse avec leurs meurtrières, des ouvertures pour observer les assaillants et tirer sur eux, sont encore debout sur cet espace qui était un domaine de l'ancienne aristocratie locale sérère et mandingue, avant la guerre sainte armée.
Après sa victoire sur les Français à Pathé Badiane, près de Nioro, le 30 novembre 1865, Maba " éleva à Nioro un tata plus considérable que celui de Maka ", une localité du Saloum, près de sa capitale Kahône, où il avait une résidence et y " stocka d'abondantes quantités de mil_ ", selon l'historien guinéen Kélétigui Keita, dans son mémoire de maîtrise soutenu à l'Université de Dakar en 1970.
DE L'OCCUPATION DES FRANÇAIS A PARTIR de 1887
Après le rappel à Dieu de Maba, le « tata » est devenu le lieu de résidence de son frère et successeur Mamour Ndary BA pendant une vingtaine d’années. En raison des dissensions internes après la mort de Maba et de l'intensification des pressions coloniales, le nouvel Almamy du Rip est contraint en mai 1887 de signer un traité de protectorat avec les Français.
En vertu de ce traité, " un poste (militaire) est construit dans le tata de Nioro" , rapporte le lieutenant Chaudron dans son étude. Il y a plusieurs "tatas" dans diverses localités du Rip mais ils ont été tous détruits par les Français après le traité de 1887.
Le lieutenant Chaudron donne une idée de l’enceinte fortifiée en 1901: " Le mur d'enceinte (du tata) mesure 4 mètres de hauteur et 400 mètres de tour : il est fait en terre glaise mélangée à de la terre de termitière et parsemée de morceaux de pierres ferrugineuses ". Au moins trois chefs de province, nommés à cette fonction par l'administration coloniale, vont, à des dates différentes, s'installer dans le « tata », à partir de 1923 jusque dans les années 40 Dans le milieu des années 50, l'espace accueille un nouveau bâtiment, un silo construit par les colons français pour stocker des vivres et des semences, selon des témoignages d'anciens.
Au fronton du bâtiment, sont encore visibles ces inscriptions: SP 1956, du nom de la Société de prévoyance, une institution coloniale dédiée à cette fonction et l'année de construction. Cette bâtisse en dur, qui domine les lieux jusqu’à présent, est une tour oblongue dotée d'une échelle pour accéder au sommet et d'une ouverture en bas, délimitée par un couvercle en fer, pour récupérer les produits qui y sont stockés.
DE L'INDÉPENDANCE À CE JOUR
Après l'indépendance, le site du « tata » est versé dans le patrimoine national, régi par la loi du 25 janvier 1971. Plusieurs écoles coraniques ou arabes y ont, pendant plusieurs années, été installées, dans le voisinage de familles vivant sur les lieux.
Au fil de l'histoire, cet espace a accueilli de grandes figures religieuses et temporelles venues de nombreuses contrées de la Sénégambie. Le Professeur Iba Der Thiam estime à des dizaines le nombre de familles venues rejoindre le Rip dans le cadre du jihad.
Parmi elles, peuvent être citées, en guise d'exemples, d'importantes figures des lignages religieux Mbacké, Bousso, Niasse et Sy. La liste, loin d'être exhaustive, comprend la famille Mbaye de Longhor, les chefs religieux Ngagne Khary Niang, grand-père maternel du vénéré Abdou Aziz Sy Dabakh, Khali Madiakhaté Kala et Fodé Kaba Doumbouya de Casamance, des Lébous de Dakar et des marabouts du Fouta...
Les rois du Cajoor et du Jolof, Lat Dior Diop et Alboury Ndiaye, accompagnés de membres de leurs cours, y ont été. De la Gambie anglaise voisine, sont notamment venus le fabricant d'armes Oumar Sène et le preux Sawalo Cissé. C'était avant la définition de la frontière entre la France et l'Angleterre en août 1889. La géographie humaine de la ville de Nioro porte encore l'empreinte de cette migration à travers des familles qui y ont été installées dans cette mouvance.
C'est le cas notamment des familles Wade, Woyel, Thiam, Seck, Sow et une branche des Diop, venus d'horizons divers, selon des informations de membres de leur descendance.
De nombreuses localités ont été créées ou ont accueilli de nouvelles communautés de saints et fidèles musulmans, à la faveur de ce mouvement de prosélytisme. C'est le cas de Porokhane, haut lieu du mouridisme, et de villages fondés par des Niassènes, une branche de la confrérie tidiane.
En cela, le jihad de Maba a contribué au peuplement du Rip, une partie du royaume du Badibou, et du Saloum, deux derniers États voisins, historiquement différents et indépendants l'un de l'autre.
Pour rendre justice à ces contributions à son jihad, de chefs religieux, savants et preux, l'idéal serait que chaque salle de classe, chaque couloir, chaque espace porte le nom d’une de ces figures, spirituelle , temporelle ou savante.
La création de l'institut améliore l'offre éducative coranique à Nioro où les cours des concession familiales, surtout celles bordant la mosquée, étaient presque toutes des "daaras".
De nombreuses écoles y ont aujourd'hui fait leur mue dont la « daara » moderne publique de Serigne Pape Laye Dramé, un pionnier en la matière.
Dans son école sur un précédent site, a été formé son frère et actuel directeur du bureau des Affaires religieuses et de l'insertion des diplômés en langue arabe à la présidence de la République, Djim Ousmane Dramé.
La création de l'institut est à saluer, comme œuvre palimpseste contribuant à l'offre éducative islamique et professionnelle.
Mais le manque de précautions pour éviter les dégâts archéologiques inhérents à des travaux pareils sur un site historique., est à déplorer.
Une implication du ministère de la Culture aurait permis de sauver d'éventuels vestiges. Construire le nouvel édifice avec des plans et matériaux de l'époque du 19e siècle permettrait tout au moins de réhabiliter des ruines et de conserver des pans de ce patrimoine. Le cadre légal existe pour cela, à travers le texte du 25 janvier 1971, qui classe les sites et monuments, et organise les fouilles et découvertes archéologiques .
Osons espérer que sur les murs encore chancelants du « tata » s'élèveront dans le futur un espace abritant un musée, dans une localité qui en est dépourvue.
MABA AVAIT CHOISI GOL DRAME POUR DIRIGER LA MOSQUEE
La "tata " fait face à la Grande mosquée de Nioro, un autre élément du patrimoine de la ville. " Le terrain qui abrite la mosquée est délimité par le service cadastre de Kaolack et porte le numéro 97 du plan de lotissement du quartier sud de la ville ", indique un document d'archives de la famille BA publié au début des années 2000.
L’écrivain Mamour Seck, auteur d'un ouvrage sur "Nioro-Rip: hier et aujourd'hui ", décrit le contexte d’émergence de la mosquée.
Après avoir défait l'aristocratie pluriséculaire du Badibou Rip, la localité de " Paos Dimba fut rebaptisée pour la circonstance Nioro" .
Ensuite Maba " prit la résolution de réédifier la mosquée historique de Nioro, à côté d'un arbre appelé taba (variété de colatier) », écrit-il. En raison de ses nombreuses charges, il a délégué la direction de la mosquée.
" Maba Diakhou BA, guide spirituel et temporel, face aux préoccupations du moment (la guerre sainte) et des expéditions souvent longues que cela entraîne, confia la direction de la mosquée à Gol Dramé, fils authentique du terroir ", et à ce titre un des premiers imams du lieu de culte, rapporte le document d’archives de la famille BA. Maba alternait ses séjours entre Nioro et Keur Maba Diakhou, village qu'il a fondé en 1852.
Il dirigeait à Nioro la prière du vendredi et y faisait des prêches.
En raison de ses qualités d'exégète du Coran, le titre de tafsir lui avait été donné. Un de ses biographes, Moctar Tounkara, dans une étude sur les précurseurs du tidjanisme au Sénégal, écrit: " _avec (sa) verve habituelle, Maba Diakhou BA pendant ses prêches savait toujours dominer l'assistance se référant tantôt au Saint Coran, aux hadiths du prophète Mohamed (Paix et salut sur Lui) tantôt à la pensée de Cheikh Ahmed Tidiane Chérif ", fondateur de la confrérie tidiane dont l'Almamy est un adepte.
Une anecdote sur un échange entre Maba et son frère Mamour Ndary BA, ancrée dans la mémoire collective à Nioro, est rapportée par Mamour Seck.
" Au cours de la pose de la première pierre de la mosquée à restaurer, Ma Ba voyant Mamour Ndari tourner furtivement la tête comme pour contempler l'horizon, lui dit : "A qui penses-tu Mamour ? xonq-nopp yi" (comprendre les Oreilles rouges ou Toubab) ? " . Il lui annonce ensuite l’arrivée prochaine à Nioro des Français.
L’administrateur colonial français Paul Marty décrit en 1901 l'état de la mosquée .
" A Nioro (Rip), la mosquée principale a été construite en briques crues, en 1901, par Mandiaye BA, elimane du Rip.
C'est un bel édifice de 12 mètres de côté, partagé en quatre nefs par des rangées de colonne et de maçonnerie. Le plafond est formé de branches d'arbres recouvertes d'un épais enduit de mortier. Une toiture pyramidale de tôle ondulée recouvre l'édifice ", écrit-il
DES CHAMPS COLLECTIFS POUR RENOVER LE LIEU CE CULTE
La mosquée " a subi plusieurs retouches mais sa véritable et première transformation remonte à 1958 sous la conduite de Elimane Souleymane Ba " (plus connu sous le nom de Elimane Awa BA ) . Les travaux étaient confiés à un entrepreneur local feu Ngagne Diba ", selon le même document de la famille BA.
Le coût du bâtiment était estimé à l'époque à 16 millions de Fcfa, dit la même source. " Les fonds provenaient de cotisations, de participation volontaire des fidèles, de dons et de produits de vente des champs collectifs ", ajoute-t-elle. Dans cette mosquée, reposent l’Almamy Mamour Ndary BA et quatre notables de la famille BA.
De sa construction à nos jours, elle a connu depuis Maba et Gol Dramé, au moins onze imams dont l'actuel, Elimane Kany BA, qui y officie depuis septembre 2020.
6 Commentaires
Oussou
il y a 3 semaines (12:00 PM)Lat Dior
il y a 3 semaines (12:30 PM)-
Ce n'est pas un héro du Sénégal, à l'époque le Sénégal tel qu'on le connaît n'existait pas peut un héro du saloum d'ailleurs les terres où il a posé son royaume appartient aux sérères et aux mandingues, il fait partie de ceux qui ont wolofisé les mandingues de cette zones ,les fameux camara Touré cisse Sakho kebe du saloum pour parler du héro au Sénégal il faut compter à partir de 1960
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il y a 3 semaines (14:26 PM)Niass Klm
il y a 3 semaines (13:19 PM)Maba Génocidaire
il y a 3 semaines (14:38 PM)Maba Génocidaire
il y a 3 semaines (15:38 PM)Maba Génocidaire
il y a 3 semaines (16:02 PM)Voici un extrait du texte de Samba Fall
Le marabout avait amené avec lui de Badibou, une jeune fille magnifiquement habillée et couverte des plus beaux bijoux. II avait prédit .i ses gens qu’en égorgeant cette jeune fille et en versant son sang dans lepays de Sin, la victoire leur était assurée.
C’est pourquoi au milieu de la bataille, il ordonna de la tuer et de I’enterrer sous l’arbre od il s’était reposé. II commandait ses gens de mettre sa natte sur Ie tombeau. II a appelé ensuite tous les chefs de son armée et leur parla ainsi : Celui qui est vêtu ici combattre pour la guerre sainte doit mourir avec moi, car je lui garantis Ie Paradis,
quand li moi je n’espère plus retourner dans le Badibou
Pendant ce temps, les 2 armées continuaient à se battre et il reçut une nouvelle blessure qui lui traversa le corps. Le reste de son armée se réunit autour de lui et il demanda un chameau qui fut tué immédiatement par les balles ennemies. Il demanda ensuite un mulet et au moment où on le lui amenait, l’animal fut tué aussi. Il demanda
de nouveau un cheval tranquille, ce dernier fut tué de même. Il était 4 heures. Maba ordonna ses guerriers de mettre bas les armes et de prier Dieu. II fit lire les dernières paroles que les musulmans doivent réciter avant la mort - --.-... Voici maintenant comment Maba fut tué et mourut et ce que devint son corps.
Lorsque les marabouts ont commencé à dire les prières avec la plus haute voix, Bour Sin a demandé ce qui se passait dans I’armée de Maba. Lui aussi souffrait bien de ses blessures, mais néanmoins, il commanda à ses guerriers de continuer l’attaque. C‘est là qu’ils ont tué la plus grande partie des guerriers ennemis. Ce qui fut épargné prit la fuite, cependant quelques cavaliers descendirent de leurs chevaux, se cachèrent dans les broussailles. Sept marabouts et un enfant furent pris par les gens du Sin et conduits à Bour-Sin qui leur demanda où était leur maître. 11 lui fut répondu que Maba était mort. Le roi demanda où était son corps, on le conduisit et il trouva le corps au milieu des cadavres. Tous ceux qui l’avaient connu ont bien vu qu’il avait cessé de vivre. La tète et le pied atteint d’éléphantiasis furent coupés; tous ceux qui étaient présents se disputèrent son corps; les uns prirent les doigts, les autres lui coupèrent le soulou etc.
Les vautours s’arrachèrent la carcasse.
Le nombre des morts de l’armée de Maba s’élève i 51 1 hommes, 359 chevaux furent tués, 190 furent pris ainsi que 12 ânes, 2 mulets et deux chameaux portant de la poudre, des balles et des effets de valeur. . ..
Pendant son séjour, il est venu du Rip à N’Dofane, 6 marabouts faits prisonniers par Maba pendant les premières guerres et qui se sont sauvés. Je leur ai demandé comment ils avaient laissé les habitants de Badibou, quels étaient leurs projets, les affaires de Lat-Dior et ses intentions.
A LIRE DANS ''HSTOIRE DU SINE-SALOUM (Senegal)'' PAR ALIOUNE SARR - IFAN
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