
Ayant relevé le défi de la mobilisation horizontale des forces vives de la nation, le Mouvement du 23 Juin (M23) a réussi un tour de force à la fois tactique , stratégique et opérationnel.
Tactiquement, il a esquivé la provocation des va-t-en-guerre du régime libéral et réussi le test central de la jonction entre les partis politiques de l’opposition et les mouvements et organisations de la société civile dérrière des mots d’ordre clairs et tranchants : “Touche pas à ma Constitution”, “Non à un 3e mandat”, “Elections transparentes et sincères”.
Sur le plan stratégique, le M23 a déplacé l’ordre de préséance des priorités politiques du moment de la diversité et la profondeur de la demande sociale au recentrage du débat politique autour du respect de la Constutution et des règles du jeu politique communément admises quant à la durée et la nature du mandat présidentiel, de la succession du Chef de l’Etat et de la réinvention de l’Etat par rapport à la gouvernance, à l’emploi et à la justice sociale.
Les découpages administratifs intempestifs ainsi que le gaspillage des deniers publics et la prégnance de la corruption n’ont pas été perdus de vue par une jeunesse prédominante en nombre et choquée par l’enfermement économique et social qui la confine dans les marges et non au centre de la prétendue stratégie de “croissance accélérée” portée par la vision droitière du tout marché parrainée par les institutions de Bretton Woods et adoptee par la famille libérale.
Quelle que soit la décision qu’ils seront amenés à prendre, soit en reconnaissant la candidature d’Abdoulaye Wade soit en la rejetant, les Sages du Conseil Constitutionnel sont dorénavant perçus comme le point névralgique de l’ordonnancement institutionnel sénégalais. En rencontrant clandestinement le Chef de l’Etat à l’extérieur du pays, le Président du Conseil Constitutionnel a soulevé une suspicion légitime alors qu’on lui reprochait déjà une trop grande proximité avec l’Exécutif. L’écrasante majorité des constitutionalistes Sénégalais ayant déjà rejeté la possibilité d’une troisième candidature, il faudra s’attendre à terme, après les élections, à un changement de ses missions fondamentales et de ses prérogatives. Il pourrait en être de même de la Commission Electorale Nationale Autonome paralysée par la latitude donnée au Chef de l’Etat de ne pas renouveler, à temps, le quota de ses membres sortants. Pour cette dernière institution, l’opposition va sans doute exiger immédiatement sa réforme de sorte qu’elle soit en mesure de gérer l’entièreté du processus électoral.
Le succès opérationnel de la journée du 23 Juillet tient au fait qu’une conscience citoyenne mature a préféré s’exprimer en dehors des clichés de violence parfois indiscriminée telle qu’on l’a vue s’exprimer le 23 Juin à travers la provocation outrageuse des fantassins du PDS et du lumpenprolétariat.
L’argument selon lequel les pressions externes auraient placé Abdoulaye Wade au ban de la communauté internationale est certes important mais il n’est pas déterminant dans l’évolution de la dynamique politique et sociale à travers laquelle les Sénégalais engagent aujourd’hui la lutte pour la dignité et le bien-être. C’est en cela aussi que les évènements du 23 Juin ont marqué de façon indélébile les destinées du Sénégal face à ses ressorts propres et aux complexités de la géopolitique mondiale.
Les élites sénégalaises et ses forces vives sont désormais sommées de faire face. Le Président Abdoulaye Wade est interpelé par l’histoire : au crépuscule de sa trajectoire, le peuple lui demande de se contenter d’une vie remplie par 26 ans d’opposition, 12 années de chefferie d’Etat et des séjours parsemés dans les prisons de ses adversaires politiques. Le peuple lui demande aussi de laisser à d’autres volontés, d’autres trajectoires le soin de reprendre le gouvernail du pays et de lui éviter le fracas contre les récifs menaçants qui le guettent à l’horizon.
Il faut que les compagnons directs du Président du PDS aient perdu toute capacité d’indignation pour accepter de se faire houspiller en permanence par l’homme au nom de qui ils ont consenti, pour certains, des sacrifices considérables, cependant que d’autres ont saisi l’opportunité de s’enrichir de façon éhontée. Dans leur entendement, n’y aurait-il pas lieu de veiller à démocratiser en profondeur leur parti et à assurer la relève ?
L’équipe idéologiquement disparate de Benno Siggil Sénégal a maintenant toutes les raisons de hâter le pas et de faire preuve d’une plus grande vigueur politique. Il est grand temps de se prononcer sur la candidature unique ou plurielle et d’adopter la posture opérationnelle qui sied le mieux à la stratégie adoptée. Les programmes devront être débattus sans concession et soumis sans démagogie à la santion électorale. Sur le recentrage du débat politique exigé par les “yenamarristes” et par les militants de “Benno” eux-mêmes, il sera difficile de ne pas répondre aux questions de l’heure.
Il y a une remise en cause fondamentale du postulat néo-colonial et de la domination française sur les destinées du Sénégal à laquelle il faudra nécessairement se livrer tout en précisant l’architecture économique, financière, agricole et infrastructurelle d’un pays qui a indéniablement régréssé au cours des dernières décennies.
Jacques Habib Sy
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