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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

La Pointe Saaraan

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La Pointe Saaraan

« Quant au pouvoir, je ne saurais, en tout cas, 
quitter les choses avant qu’elles ne me quittent »
Charles de Gaulle

 

O cruelle destinée ! Quel sort a donc pu s’acharner sur Abdoulaye Wade pour que, porté à un si haut degré de reconnaissance, il se laissât entraîner dans une voie si peu glorieuse ? Quelle histoire tragique que celle de cet homme. Que la gloire est une compagne capricieuse ! On frémit d’horreur, en pensant à la fin épouvantable qui l’attend et aux puissances obscures qui lui font agir pour la rendre inéluctable. Il a entamé une descente vertigineuse à laquelle ses soins inquiets ne lui feront remédier. Chaque geste accompli l’éloigne du pouvoir au lieu de l’en rapprocher. Dans la bataille qu’il a engagée pour sa survie, il a perdu l’essentiel, le respect. Le retrait du projet de loi sur un ticket présidentiel frauduleux est une terrible humiliation. Mais c’est surtout une capitulation qui marque une rupture définitive, un changement paradigmatique. Avec le peuple sénégalais, qui s’est montré déterminé à lui faire avaler son chiffon : les jeunes qui l’avaient installé au palais de la République lui demandent de partir, s’il ne veut pas être délogé. Mis en minorité par sa propre majorité qui, depuis quelques mois déjà, multiplie les signes d’exaspération et d’indignation.

L’Assemblée nationale qu’il avait façonnée pour lui imposer son pathétique plan de succession monarchique refuse de lui obéir. Il avait concentré entre ses mains tous les pouvoirs. Il constate amèrement qu’en dehors de ses attributions régaliennes, des ministres qu’il est capable de nommer, la souveraineté appartient au peuple qu’il a voulu mépriser. 

La crainte est retournée à celui qui l’inspirait. L’homme qui interdisait les marches, laissait les crimes impunis et dispersait les manifestations se sent maintenant cerné. Il se cherche une protection, obligé de faire tenir son pouvoir par l’armée, pour l’empêcher de tomber. Son ministre de la Communication avait doctement déclaré que jamais il ne renoncerait à son projet, il a été obligé de se soumettre à la volonté de la rue. Accroc aux voyages sans objet, il projetait de se rendre au sommet de l’Union africaine à Malabo, sûr que son pouvoir l’attendrait à son retour. La rue lui impose de rester en son palais, la plus épouvantable des sanctions. La peur de perdre son pouvoir a eu raison de son goût prononcé pour les voyages. Abdoulaye Wade ne décide de rien, c’est la rue qui décide de tout. 

C’est un curieux retournement, une issue tragique pour un homme que le pouvoir a rendu aveugle. Il cherche quelle tête il doit frapper pour apaiser sa colère, mais il ferait mieux de faire face à une réalité que rien ne pourra changer. Il ne vivra le temps qui nous sépare de la prochaine élection que reclus, encerclé par des militaires chargés de le protéger. Si son sort lui paraît injuste, il ne tient qu’à lui d’y mettre un terme. Qu’il entende cette voix suppliante des populations meurtries qui ne dit qu’une chose : qu’il parte. 

Les appels à des contre-manifestations, les incitations à la chasse aux opposants, les menaces proférées contre les journalistes sont des tentatives désespérées d’un homme fini politiquement et biologiquement. Ce désaveu le place dans la position qui était celle du général de Gaulle en 1969. Sur une question aussi déterminante que l’élection à la présidentielle, il a été désavoué par le Parlement et le peuple. Le Pds auquel il veut faire appel, il l’a lui-même liquidé. Il en a chassé les principaux responsables, dissous la direction pour la confier à Farba Senghor, seul susceptible d’obéir à son fils. Il a méthodiquement poussé Aminata Tall à la sortie, pour confier la direction du mouvement des femmes à une personnalité membre de la Génération du concret. Awa Diop continue de résister et elle a été la première à dire ses quatre vérités à Abdoulaye Wade. Le mouvement des jeunes a finalement été confié de force à un proche de Karim Wade que tout le monde découvre pour la première fois. Ceux qui appellent à la « mobilisation » et au « réveil » sont les premiers à vous dire, quand ils se retrouvent seuls, que jamais ils ne vont affronter leur propre peuple pour assurer une transmission du pouvoir de père en fils. Ils savent tous, Pape Diop en tête, que si le projet de loi était passé, il se ferait à leur détriment. Tous ont été mis devant le fait accompli. N’ont été associés à la rédaction de ce projet que la famille du présidentielle et une bande de médiocres qui se réclament de la Génération du concret. 

Depuis plusieurs jours, le pouvoir se livre à des manipulations graves pour justifier le déploiement de l’armée et l’instauration de l’état d’urgence. Comment Karim Wade, arrivé au domicile de Serigne Mbacké Ndiaye le soir de l’attaque, a pu savoir que les assaillants ont été armés par l’opposition ? Comment a-t-il pu savoir que l’arme qui a été « abandonnée » sur les lieux était chargée ? Comment a-t-il pu savoir que les assaillants qui venaient de quitter les lieux n’habitent pas à Dakar ? Comment peut-il lui-même annoncer ce que le ministre de l’Intérieur doit déclarer dans les heures qui viennent ? Comment peut-il déclarer, en conclusion de ses affirmations faites tout en sueur, que ceci est la preuve que les revendications n’ont rien à voir avec les coupures d’électricité ? Les images diffusées largement dans les médias sont insoutenables d’hypocrisie, an moment où les populations réclament son départ, suite au constat de son incapacité à régler le problème de l’énergie. Il s’en prend à l’opposition alors que s’il représentait plus que sa propre personne, il en aurait fait la démonstration le 22 mars 2009. Karim Wade est surtout mal placé pour appeler les Sénégalais à la paix, alors que depuis dix ans, des innocents ont été torturés, abattus froidement sans que jamais il se présente au domicile d’une des victimes pour réclamer des sanctions contre les auteurs de ces crimes. 

Abdoulaye Wade devrait plutôt réfléchir aux risques politiques que lui fait prendre son fils. A chaque fois qu’il a voulu le mettre en avant, il a été humilié et son pouvoir a vacillé. Que ce soient les manifestations contre les coupures d’électricité ou les protestations contre le ticket présidentiel, c’est le même Karim Wade qui est objet de tous les rejets. Il n’est pas épouvanté par ce funeste présage, mais il a tort de ne pas s’en préoccuper.

SJD

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