
En attendant d’égorger le ruminant, la «dépense» quotidienne, elle, a déjà fini d’étrangler notre bonhomme qui fait partie de ces chefs de ménage habitués, en ces périodes de fêtes, à remuer ciel et terre, juste pour entendre bêler dans leur concession, un agneau du sacrifice. Coup de téléphone par-ci, endettement par-là, on colmate à gauche et à droite, histoire de rassembler une certaine somme afin de pouvoir enfin, oser se rendre au daral (foirail). Le mouton, tout le monde y tient : monsieur, madame, les enfants ; même les voisins scrutent du regard du côté de chez vous pour voir à quoi ressemble votre ruminant à sacrifier. Gardez-vous donc de ramener à la maison, un «ray mou déé», ces moutons malades ou affamés, qu’on a du mal à entendre quand ils bêlent, harassés par la longue marche, les heures de trajets interminables entre les pays frontaliers et leur destination finale.
Soit, l’essentiel, après tout, c’est de pouvoir procéder au sacrifice, une fois qu’on a trouvé son mouton, un quadrupède qui réponde aux caractéristiques définies par l’islam. De préférence un bélier avec des cornes, en bonne santé ; a défaut, la chèvre fait l’affaire. Mais il va falloir la transporter de nuit, la museler pour éviter d'ameuter les voisins, d’être l’attraction des curieux et badauds du quartier. Parce qu’une chèvre, ça ferme pas sa gueule, ça belle tout le temps et le voisin finira par comprendre que monsieur n’est pas en mesure de s’offrir un bélier acceptable, qui nécessite au moins 50 mille francs Cfa. Oui, commémorer le «sacri-fils» d’Abraham, a bien un prix que «goorgorlu» a du mal à payer, voudrait-il lui aussi, faire plaisir aux siens en dépit de ses moyens modestes. Comme par exemple acheter du djezner pour madame et du prêt-à-porter pour les enfants, avec des chaussures (pas chinois cette fois-ci); les courses à faire au marché et heureusement encore, les prix des denrées sont assez stables.
A se demander finalement si tout ce tralala en vaut la peine, pour une journée de fête, une seule, la énième dans un pays où tout se fête pratiquement: l’aid (kébir et fitr), l’ascension, les magal et gamou, la tamkharite, Pâques et Noël et quoi encore ?
Tiens, la rentrée des classes, c’est pour bientôt. Il a encore du souci, le bonhomme, les mains dans la tête. Car après avoir été cogné et saigné par le mouton du sacrifice qui a sacrifié tous ses économies, les inscriptions et fournitures scolaires vont achever notre pauvre gorgorlu déjà à terre. Bonne tabaski !
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