
Vétéran de la Françafrique, l'avocat dit avoir remis une fortune en cash au tandem Chirac-Villepin. Avant de rallier la Sarkozie en 2005. Portrait.
Avec de tels amis, nul besoin d'ennemis. Saisi d'un accès de vertu aussi tardif que sélectif - donc suspect -, Robert Bourgi incarne un archaïsme postcolonial. Mais sa longévité reflète aussi l'ambiguïté de la "rupture" promise par Nicolas Sarkozy.
Paradoxalement, le successeur de Jacques Chirac aura, dès le début de son quinquennat, remis en selle un émissaire à l'étoile pâlissante. Le 27 septembre 2007, il lui épingle les insignes de chevalier de la Légion d'honneur, le gratifiant au passage d'un éloge fleuri : "Je sais pouvoir compter sur ta participation à la politique extérieure de la France." Voilà un mandat qui, au sud du Sahara, vaut bien davantage que le maroquin ministériel ou la dignité d'ambassadeur. Au passage, le locataire de l'Elysée rend un hommage insolite au défunt Jacques Foccart, marabout africain du gaullisme et mentor du Franco-Libano-Sénégalais Bourgi.
Que vaut à ce dernier autant d'honneurs ? L'avocat qui ne plaide jamais, sinon sa propre cause et celle de ses bienfaiteurs, a l'immense mérite d'avoir trahi Dominique de Villepin. Mieux, ou pis, il initie Sarkozy et Claude Guéant, alors secrétaire général de l'Elysée, aux mystères du bois sacré subsaharien. Tout son talent consiste à les convaincre que la France a besoin de son entregent. Toute l'erreur de l'"ami Nicolas" est de perpétuer cette imposture. L'habile "Me Bob" ne se prévaut-il pas d'avoir décroché, par l'entremise du Gabonais Omar Bongo, le bref impromptu avec Nelson Mandela auquel Carla Sarkozy tenait tant ? Il obtiendra aussi la tête de Bruno Joubert, patron de la cellule africaine de l'Elysée, après celle de Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la Coopération, coupable d'avoir, au grand dam de "papa" Bongo, prétendu "signer l'arrêt de mort de la Françafrique". A cette occasion, l'homme de l'ombre, tel un Icare françafricain, se brûle les ailes au soleil des médias, se vantant sur RTL d'avoir joué les porte-flingues pour son protecteur gabonais. Un couac qu'il paiera d'un blâme de Guéant et d'une disgrâce passagère.
Peu avant sa "confession" au JDD, Bourgi avait narré par le menu, à quelques hôtes choisis, le déjeuner qui, le 2 septembre dernier, aurait réuni dans un restaurant italien huppé Ali Bongo, héritier du trône gabonais, le sulfureux Alexandre Djouhri et... Dominique de Villepin. Au pays des sorciers blancs (1), le hasard, qui n'existe pas, fait bien les choses.
Il y a six ans déjà...
La scène date du 3 janvier 2006. Ce jour-là, Robert Bourgi reçoit l'auteur de ces lignes avenue Pierre-Ier-de-Serbie (Paris, XVIe). Dans la quiétude cossue de son cabinet tapissé de dessins d'enfant et de photos dédicacées, à l'ombre d'un buste de Napoléon, l'avocat joue les procureurs. Lui qui aime tant, voix suave et sourire madré, distiller rumeurs et confidences balance à tout-va. Dans la ligne de mire, une poignée de stars des médias, accusées de toucher des enveloppes de potentats africains. Et aussi Jacques Chirac, "hors du coup". Mais surtout Dominique de Villepin, cet intime qu'il a lâché pour rallier la Sarkozie avec armes, bagages et lourds secrets. Déjà, il est question d'un rendez-vous avec le président ivoirien Laurent Gbagbo peu avant la présidentielle de 2002 dans une suite du Plaza Athénée, prélude à la remise, sous les lambris du bureau de Villepin, alors secrétaire général du "Château", et en présence de Chirac, de 3 millions de dollars, emballés "dans une pub pour la nouvelle Austin". A l'époque, "Me Bob" requiert l'anonymat. "Ne me citez pas. Je suis père et grand-père." Pudeur aujourd'hui révolue. V.H
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