
REPORTAGE - La chute du gouvernement Hariri et les positions du Hezbollah provoquent des remous dans les rues...
De notre correspondant à Beyrouth,
Les pneus brûlés au sud et au nord du Liban ont fait tache d’huile lundi dans la soirée à Beyrouth. La communauté sunnite, très présente dans les grandes villes de Saïda et de Tripoli, ainsi que dans la capitale libanaise, a vu rouge avec la victoire annoncée de l’opposition parlementaire menée par le Hezbollah dans le choix du futur Premier ministre.
Le Hezbollah veut «une personnalité neutre»
Le 12 janvier dernier, la démission des ministres du Hezbollah et de ses alliés avait provoqué la chute du gouvernement dirigé par Saad Hariri, pour protester contre le Tribunal spécial pour le Liban chargé de faire la lumière sur l’assassinat, le 14 février 2005, du père de Saad, Rafic Hariri.
Des fuites persistantes autour de l’acte d’accusation mettent en cause des membres du Parti de Dieu. Vendredi dernier, le revirement du druze Walid Joumblatt a fait pencher la balance en faveur de l’opposition dite «du 8-Mars», celui-ci tournant le dos à la majorité dite du «14-Mars» en se rangeant «derrière la Résistance et la Syrie» pour préserver la paix civile.
Conformément à la Constitution, le président de la République, Michel Sleimane, est actuellement en train d’entendre les leaders de toutes les formations politiques. Saad Hariri, Premier ministre sortant et candidat à sa propre succession, reste la figure incontournable de la scène sunnite, ce poste revenant traditionnellement à cette communauté.Mais l’opposition, le Hezbollah en tête, ne veut pas en entendre parler: lundi, elle a proposé le nom de Nagib Mikati, «personnalité neutre» selon eux mais très proche de la Syrie (il entretient de forts liens d’affaires avec la famille Assad au pouvoir à Damas). Mikati avait déjà été nommé Premier ministre en 2005, au lendemain de l’assassinat de Hariri père.
«No for Hezbollah rule»
Cependant, cette figure sunnite n’a aucune légitimité, ni politique, ni populaire. C’est ce qu’ont voulu faire entendre les manifestants toute la journée, dans les rues des principales villes. A Beyrouth ce lundi soir, plusieurs avenues, comme celle qui mène à l’aéroport international, ont été provisoirement coupées par des barrages de pneus enflammés. L’un d’eux étant même dressé à quelques dizaines de mètres de la chambre à coucher de l’ambassadeur de France... >> Retrouvez plus d'informations sur le blog Les chroniques beyrouthines
Ensuite, vers 21h, une manifestation spontanée a débuté devant le mausolée de Rafic Hariri, place des Martyrs, en plein cœur de la capitale. Au cri de «Pasdarans not welcome» (les Pasdarans sont les gardiens de la révolution, venus d’Iran pour former les membres du Hezbollah) ou «No for Hezbollah rule», quelque 200 manifestants ont crié leur ras-le-bol devant ce qu’ils appellent «le coup d’Etat du Hezbollah».
Le cortège s’est ensuite dirigé vers la statue érigée en hommage à Samir Kassir, journaliste et farouche opposant à la tutelle syrienne, assassiné le 2 juin 2005. «Nous ne céderons à aucun compromis, explique Walid Fakhreddine, jeune figure du 14-Mars. Nous ne voulons pas d’un Etat iranien ici!»
Si ce lundi soir, la mobilisation semblait limitée, un mot d’ordre à la grève générale a été lancé pour demain mardi. Les écoles devraient garder portes closes. Les manifestants de ce soir ont promis de revenir tous les jours jusqu’à ce que leurs bulletins de vote – les législatives de 2009 avaient reconduit la majorité de Hariri – soient pris en compte. Loin de la pression des armes.
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