
À l'occasion du Forum économique franco-africain, l'ancien ministre socialiste Hubert Vedrine a remis un rapport visant à permettre à la France de ne plus être la grande perdante de la croissance économique africaine. Mais avec quels moyens ?
La France fait beaucoup parler d'elle pour son rôle de gendarme en Afrique, que ce soit au Mali ou en Centrafrique. Mais Paris aimerait aussi revenir sur le devant de la scène économique d'un continent de plus en plus courtisé. C'est le sens du Forum pour un nouveau partenariat économique entre l'Afrique et la France qui s'est tenu à Bercy mercredi 4 décembre. Un événement qui intervient deux jours avant le début du grand sommet à l'Elysée sur la sécurité et la paix en Afrique.
À l'occasion de ce grand raout économique qui réunissait près de 600 chefs d'entreprise de France et d'Afrique, l'ancien ministre socialiste des Affaires étrangères Hubert Vedrine a remis un très attendu rapport sur ce fameux renouveau commercial appelé de ses vœux par le ministre de l'Économie Pierre Moscovici. “Il y a une attente forte d'une France présente sur le continent africain qui ne se comporte pas en rentière”, a martelé Hubert Vedrine en présentant les 15 propositions qui, à son avis, permettront de redynamiser les rapports économiques avec l'Afrique.
Redynamiser, car tout le monde s'accorde à dire qu'aujourd'hui l'Hexagone n'est pas à la fête dans cette région qui connaît depuis une dizaine d'années une croissance annuelle de plus de 5% en moyenne. “La France navigue à vue en Afrique”, affirmait même il y a trois semaines un rapport sénatorial sur la même problématique. “La France n'avait pas vu venir les pays comme la Chine, l'Inde ou encore la Turquie et n'était pas prête”, confirme Hubert Vedrine.
À la force du portefeuille
Conséquence : Paris est passé de 10,1% de parts de marché en 2000 à 4,7% onze ans plus tard en Afrique sub-saharienne. “Nous avons divisé par deux nos parts de marché dans les pays africains francophones, et nous peinons à décoller dans la partie anglophone du continent”, regrette, pour sa part, la ministre du Commerce Nicole Bricq.
“Ça, c'était le passé, ce rapport se veut un début de solution à ce constat”, affirme à FRANCE 24 l'ancien ministre des Affaires étrangères. Pour y arriver, Paris “va devoir travailler plus dur qu'auparavant”, s'amuse Ngozi Okonjo-Iweala, la ministre nigérianne des Finances. Faire des efforts, donc, en se concentrant, préconise le rapport remis à Pierre Moscovici, presque exclusivement sur les pays d'Afrique sub-saharienne.
Mais pas question d'aller dépenser des milliards, comme peut le faire la Chine, pour arracher des parts de marché à la force du portefeuille. Austérité oblige, Hubert Vedrine met le facteur humain en avant dans la quasi-totalité de ses 15 propositions. C'est, notamment, le cas d'une proposition qui fait déjà des vagues. L'ancien ministre conseille d'assouplir les conditions d'obtention des visa économiques pour les ressortissants africains. “C'est un point que tous nos interlocuteurs en Afrique ont soulevé”, a-t-il noté tout en reconnaissant que c'était un dossier délicat qui relevait autant du ministère de l'Intérieur que de Bercy. Une manière de lancer un ballon d'essai pour voir comment les services de Manuel Valls allaient s'en saisir ?
Dépasser la seule Afrique francophone
Les autres propositions du rapport mettent elles aussi les ressources humaines au cœur du projet économique de la France en Afrique avec l'organisation d'un forum d'affaires annuel franco-africain, l'encouragement des jeunes français à se rendre dans des entreprises africaines ou encore la volonté de réserver davantage de bourses d'excellence pour les jeunes africains.
Mais cet arsenal sera-t-il suffisant pour contrer la force de frappe indienne, chinoise ou encore brésilienne ? Rien n'est moins sûr. Surtout si la France va dorénavant, comme l'ont souhaité tous les participants au forum, chercher à sortir davantage de sa zone de confort francophone. “C'est essentiel car ce sont les pays anglophones qui sont les plus dynamiques actuellement”, confirme à FRANCE 24 Olivier Laouchez, un entrepreneur martiniquais qui a basé son groupe médiatique Trace en Afrique du Sud. Les pays africains qui ont connu la plus forte croissance ces dix dernières années sont en effet dans leur majorité non-francophones.
En Afrique du Sud et au Nigeria, les deux géants économiques du continent, la France n'a jusqu'à présent pas réussi à faire son trou. Les parts de marché des entreprises françaises y sont restées stables (entre 2,8% et 3,6%) depuis le début du millénaire. Et la situation est, aujourd'hui, plus concurrentielle qu'il y a dix ans avec des nouveaux venus comme l'Allemagne et l'Espagne.
Reste que la France aurait tout à gagner à reprendre davantage pied en Afrique, et ce pas seulement pour une question de parts de marché. Le rapport d'Hubert Vedrine estime en effet que si l'Hexagone gagne son pari d'un nouveau partenariat, cela se traduirait par 200 000 emplois nouveaux en France dans les cinq ans.
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